B.- GARANTIR UNE COUVERTURE SOCIALE TOUT EN VEILLANT À UNE ÉVOLUTION PROGRESSIVE DES CHARGES AFFÉRENTES
1.- LE POIDS DES CHARGES SOCIALES DANS LA PHASE DE DÉMARRAGE DE L'ENTREPRISE NOUVELLE
Les créateurs rencontrés ont tous déploré le poids élevé que représentent les charges sociales, au début de leur activité. Leurs revenus sont, en effet, dans la majorité des cas, très faibles. Or, ils doivent, dans le même temps, s'acquitter du paiement de charges sociales, calculées sur une base forfaitaire, et dont le montant est comparativement élevé.
Sur ce point, le Président de l'ACFCI, M. Jean-Paul Noury, observait, lors d'un colloque sur le thème « La création d'entreprises : une affaire d'État ? » (27) : « En tant que praticien, je suis frappé de constater que c'est moins le fiscal que le social qui pose problème aux créateurs d'entreprise. En effet, la fiscalité attend d'abord les bénéfices, et la plupart des créateurs n'en ont pas pendant les trois premières années. En revanche, de nombreux créateurs découvrent l'évolution lourde des charges sociales pendant la deuxième et la troisième années ».
Par ailleurs, une enquête réalisée par l'IFOP (28) pour le compte de l'APCE montrait que les candidats à la création estiment que le poids des charges constitue l'un des principaux freins à la création pour 38 % d'entre eux, après la situation économique (48 %) et la difficulté à obtenir un prêt bancaire (40 %).
Certains dispositifs prennent en compte cette contrainte, mais ils ne concernent que des catégories limitées de créateurs et n'apportent pas de réponse globale.
C'est le cas de l'aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprises (ACCRE) qui consiste, notamment, depuis le 1er janvier 1997, en une exonération de charges sociales pendant la première année d'activité. Le champ des bénéficiaires de cette exonération a été étendu aux jeunes qui remplissent les conditions pour bénéficier de contrats « emploi-jeune » ainsi qu'aux personnes qui disposent de l'allocation de parent isolé. Cette mesure, qui représente un avantage financier de l'ordre de 20.000 francs annuels, leur permet de bénéficier du maintien de leur couverture sociale pendant la première année de la création de l'entreprise et d'être exonérés totalement des cotisations sociales correspondant à leur nouveau statut social.
Un autre type d'exonération porte sur les cotisations d'assurance-maladie et concerne les commerçants et artisans en zone franche.
Ces mesures présentent le mérite d'éviter le sentiment d'asphyxie des créateurs concernés, au moment du démarrage de l'entreprise, mais elles ne les préparent pas au paiement des charges qui intervient à l'issue de la première année d'activité.
La question du niveau des charges sociales est, en réalité, très délicate. Elle suppose que soit trouvé un équilibre entre deux extrêmes : trop élevées, les charges détruisent leur propre assiette, l'emploi, alors que les prestations qu'elles financent (santé notamment) sont de nature universelle, comme le confirme la mise en place récente d'une « couverture maladie universelle » ; à l'opposé, il est sans doute excessif d'annuler totalement les charges sur les salaires dans la mesure où une partie de ces charges « achètent » des droits futurs (retraite) ou des prestations d'assurance (accidents du travail). L'existence d'un tel équilibre ne dispense cependant pas d'agir sur le niveau des charges pesant sur le créateur, si leur niveau est inadapté.
Une seconde difficulté réside dans les modalités de calcul des cotisations, qui reposent sur des assiettes forfaitaires différentes pour les travailleurs indépendants en début d'activité. A titre d'exemple, les allocations familiales sont calculées sur une base de 38.370 francs, les cotisations d'assurance maladie sur une base de 69.456 francs et celles d'assurance vieillesse sur une assiette de 57.370 francs. En outre, les règles d'exigibilité des cotisations en début d'activité obéissent à des calendriers différents, ce qui ne manque pas d'accroître un sentiment de confusion et d'insécurité chez le créateur.
Ces éléments militent en faveur d'un effort important de simplification et d'allégement des charges, dans la phase de démarrage de l'activité. Il convient d'insister sur la nécessité de l'accompagner de la recherche d'une certaine progressivité ? qui s'avère plus adaptée qu'une exonération totale à la situation de vulnérabilité dans laquelle se trouve le nouvel entrepreneur.
Cette notion de progressivité a récemment été évoquée par Le Président Laurent Fabius (29) lors d'un colloque dans lequel il déclarait : « S'agissant plus particulièrement des jeunes entreprises, les mesures d'allégement ou d'exonération qui existent aujourd'hui sont encore insuffisantes. Un allégement plus global de la charge leur donnerait l'élan nécessaire pour se développer, recruter et investir. Pourquoi ne pas réfléchir à un assujettissement progressif de la pression fiscale et sociale, de la naissance à la cinquième année d'une société, assorti si elle réussit d'un report et d'un étalement de l'allégement obtenu, sur la période suivante de six à dix ans ? Le vent de liberté que ferait souffler une telle mesure serait bien plus fort que ce qu'il coûterait ».
Cette orientation doit guider l'ensemble de la réflexion sur les charges qui pèsent sur le nouvel entrepreneur, y compris les mesures d'exonération. Ainsi, on peut penser préférable de prolonger l'exonération attachée à l'ACCRE, en ne lui donnant plus qu'un caractère partiel mais progressif sur deux ou trois ans (par exemple, une exonération de charges à hauteur de 60% la première année et 30 % l'année suivante avec un rattrapage étalé sur une durée double à partir de la quatrième année).
2.- LA RECHERCHE D'UNE PLUS GRANDE PROGRESSIVITÉ
Les réflexions actuelles portent, à juste titre, sur les voies d'une simplification et d'un allégement des charges de l'entrepreneur dans les premiers mois de démarrage de l'entreprise.
Le rapport de l'IGAS préconise ainsi d'harmoniser à la baisse et de simplifier les assiettes forfaitaires des cotisations sociales exigibles de tous les travailleurs indépendants en début d'activité. Dans cette perspective, il propose de retenir uniformément 800 heures de SMIC (32.176 francs) dans les différentes branches comme assiette forfaitaire pour la première année d'activité. A terme, il suggère d'exclure la première année d'activité du champ d'application de la régularisation et d'étendre à toutes les branches l'utilisation d'une assiette forfaitaire unique (25 % du plafond) pour le calcul provisoire des cotisations de la deuxième année d'activité.
Ces propositions sont intéressantes de par les simplifications qu'elles impliquent et l'allégement qu'elles procurent aux créateurs d'entreprise. Toutefois, elles ne prennent que peu en compte l'idée de progressivité puisqu'aucun étalement sur une durée plus longue n'est envisagé.
L'APCE suit une logique similaire en proposant un allégement des cotisations sociales de créateurs d'entreprises qui s'inscrit cependant davantage dans le temps. L'Agence suggère en effet l'instauration d'un forfait de cotisations sociales unique, pour tous les créateurs, pendant les trois premières années d'activité. Cette mesure s'accompagnerait d'un rattrapage, sur six ans, des cotisations de retraite non versées.
Cette proposition est intéressante dans la mesure où elle met en évidence la nécessité d'un délai supérieur à un an pour toute disposition visant à ne pas fragiliser l'entreprise au démarrage par le paiement de charges sociales d'un montant élevé. Une montée en charge progressive sur trois ans pourrait ainsi être envisagée avec un rattrapage étalé sur une durée deux fois plus longue pour ne pas alourdir le montant du total des charges que devra alors supporter le créateur.
En définitive, il importe que le nouvel entrepreneur n'ait pas de le sentiment de « faire un saut dans le vide », comme l'a justement souligné le Directeur général de l'APCE, M. François Hurel.