Commençons par un paradoxe inquiétant.
Jamais le désir d'entreprendre n'a été aussi fort : ainsi, interrogés par l'IFOP (2) pour l'APCE, 1,2 million de Français déclaraient en 1998 avoir un projet de création d'entreprise. On sait qu'il convient d'accueillir avec prudence ce type de réponse spontanée, mais l'indicateur est plus intéressant lorsqu'il est mis en perspective et que se dégage une tendance : répondant à la même question en 1992, 700.000 Français seulement y répondaient positivement. Ces chiffres confirment donc les intuitions ou analyses des accompagnateurs de la création d'entreprise et des sociologues : le désir d'entreprendre croît.
Pourtant, depuis 10 ans, le nombre de créations d'entreprises ne cesse de diminuer.
Les tableaux annexés à ce chapitre l'indiquent clairement : nous aurons créé, en 1998, 40.000 entreprises de moins qu'en 1989 ! En 1989, 204.000 entreprises avaient vu le jour ; après dix ans de baisse quasi constante 166.000 naissances seulement étaient enregistrées en 1998.
Pire, si l'on peut dire, cette baisse tendancielle paraît devenir structurelle. La création d'entreprises n'obéit plus, dans la période récente, à la règle selon laquelle ce processus suit l'évolution du taux de croissance de l'économie.
Comme le note justement une revue récente du Secrétariat d'État aux PME (3) « un hiatus s'installe : malgré une reprise forte de la production industrielle, le nombre de créations d'entreprises stagne ou même décroît ».
Un tel constat paraît laisser perplexes les rédacteurs de la revue comme l'indiquent le titre de l'article « Créations d'entreprises : une baisse surprenante » et le sous-titre « Un mouvement difficile à expliquer».
La baisse est-elle si "surprenante" ? Les carences que nous étudierons de l'accompagnement et de l'accès au financement, l'insécurité excessive du statut du créateur ne pourraient-elles contribuer à l'expliquer ?
Toujours est-il que si, en matière de création d'entreprises, il serait excessif de sonner le tocsin, il est largement temps de tirer le signal d'alarme.
Le Gouvernement dirigé par M. Lionel Jospin paraît conscient de la gravité de la situation. On verra, en annexe de ce chapitre, que depuis juin 1997, une action cohérente d'appui à la création d'entreprises a été mise en oeuvre, basée sur des simplifications administratives, des aides au financement des projets, et des mesures fiscales en faveur, notamment, des entreprises innovantes.
Toutes ces mesures, aussi nécessaires soient-elles, concernent peu, ou insuffisamment, la création de "toutes petites entreprises".
Comme le note justement un rapport récent du Conseil national du crédit (4): « Les mesures prises, à l'exception d'initiatives mises en place par la SOFARIS, ont été surtout consacrées aux PMI innovantes et beaucoup moins aux PME plus traditionnelles ou appartenant à d'autres secteurs (comme les services ou les BTP) alors que les besoins en fonds propres de ces dernières, tels que les expriment leurs dirigeants, sont plus importants. La mise à niveau en ce qui concerne le financement des entreprises innovantes ayant été réalisée pour l'essentiel, une réorientation en ce sens paraît nécessaire ».
L'un des artisans de ce dispositif, auditionné pour ce rapport, rappelait que les entreprises innovantes ne constituent (malheureusement ?) qu'1 % des créations constatées. Et de conclure sous forme de boutade « il y a sûrement des choses à faire en faveur des autres 99 % ».
Ces « autres 99 % », et notamment celles qui se créent avec au départ moins de 5 salariés (97,4 %) ou moins de 10 salariés (98,7 %) méritent une attention particulière, un plan vigoureux en leur faveur.
Nous verrons dans ce chapitre que les enjeux politiques, économiques et sociaux de la création de TPE justifient, voire exigent, une action forte et appropriée de l'État en leur faveur.