Encourager la création d'entreprise en France suppose un environnement plus favorable à l'initiative. Trois mesures sont suggérées en ce sens : en premier lieu, permettre un accès de tous les porteurs de projets à un accompagnement de qualité ; en second lieu, offrir aux nouveaux entrepreneurs un statut leur assurant un minimum de garanties ; enfin, lever les obstacles à l'accès au financement.
Quelles sont, en France, les structures d'appui aux créateurs d'entreprises les plus critiquées ? Les banques et les chambres de commerce.
Quels sont les interlocuteurs auxquels s'adresse le plus naturellement le créateur potentiel ? Les banques et les chambres de commerce.
Combien d'entrepreneurs déclarent avoir bénéficié de l'appui de réseaux d'aide à la création d'entreprises ? Environ 1 sur 10.
En dépit du grand nombre et de la diversité des intervenants, voilà, résumé en trois constats, le sombre diagnostic que l'on peut établir de notre système d'accueil, d'orientation et d'accompagnement du créateur d'entreprise.
Ces carences nous conduisent à préconiser la création non pas d'un « guichet unique » mais d'un « point unique d'entrée », facilitant, coordonnant, harmonisant et qualifiant l'accès de tous à l'information et l'aide à la création d'entreprise.
La « Maison de l'entrepreneur » dont on préconise la création et la multiplication sur le territoire ne sera pas « un immeuble de plus » : elle sera localisée au sein des chambres consulaires, ni un « lieu de plus » : elle devra être, au contraire, le lieu de regroupement de tous ceux qui peuvent aider le créateur.
A.- LES FAIBLESSES DU SYSTÈME FRANÇAIS D'ACCOMPAGNEMENT DE L'ENTREPRENEUR
En dépit d'un apparent foisonnement d'initiatives et de structures le système d'accompagnement de l'entrepreneur se révèle peu performant.
1.- LE FOISONNEMENT DES INITIATIVES ET DES STRUCTURES D'AIDE À LA CRÉATION D'ENTREPRISES.
Le Conseil National de la création d'entreprises (18) (CNCE) estime qu'environ 3000 structures interviennent en soutien des créateurs, chiffre qui n'intègre pas les interventions, par nature ponctuelles, des professions libérales, les experts-comptables par exemple.
Ce chiffre recouvre une très grande diversité, de taille, de statut, d'objectifs et de moyens des intervenants en appui de la création d'entreprise.
Dans la sphère publique, l'accueil et l'orientation du créateur d'entreprise sont de plus en plus intégrés par les structures de développement local ou d'expansion économique dont se dotent les régions, départements, communes (à tout le moins les plus importantes d'entre elles) ou les regroupements inter-communaux.
Établissements publics ne se percevant pas toujours comme tels, les « consulaires » (Chambres de Commerce et d'Industrie, Chambres de Métiers) consacrent une part de leurs activités et de leurs ressources à l'accompagnement du créateur.
Fortes de leurs implantations locales - on compte 161 Chambres de Commerce en France et 106 Chambres de Métiers, les consulaires ont pris, en 1995, une initiative dite réseau « Entreprendre en France ».
La création de ce réseau, en octobre 1995, résulte d'une initiative conjointe de l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie (ACFCI) et de l'Association française des banques (AFB) autour des objectifs suivants : augmenter le flux de créateurs et de repreneurs, favoriser l'émergence de projets de qualité et mettre en oeuvre une politique d'appui visant à accroître la pérennité des jeunes entreprises.
Ce réseau regroupe différents partenaires parmi lesquels des chambres consulaires, des établissements de crédit, des organismes de garantie tels que la SOFARIS, des organismes publics (ANVAR, Caisse de dépôts et consignations), des professions libérales (avocats, experts-comptables...).
Localement, les Chambres de Commerce et d'Industrie ont mis en place un « Espace Entreprendre » pour accueillir, informer et orienter le porteur de projet vers les services spécifiques des partenaires du Réseau.
Un « Passeport pour entreprendre » a également été mis en place qui atteste du parcours suivi par le créateur d'entreprise, chaque étape étant validée par la signature de l'un des partenaires du réseau. Il constitue la clé d'accès à l'éventail des services proposés par l'Espace Entreprendre et les partenaires et peut ouvrir l'accès à une garantie préalable s'élevant jusqu'à 70 % du prêt demandé aux banques.
Un rapport récent de l'Inspection générale des Finances sur les chambres de commerce et d'industrie établit un bilan sévère de cette initiative pourtant a priori intéressante en relevant que « moins de 3.000 créateurs bénéficient en 1998 de l'accompagnement personnalisé prévu par le « passeport pour entreprendre » contre 15.000 prévus, ce qui représente une part de marché d'à peine 1,5 % sur les quelques 170.000 créations d `entreprises enregistrées chaque année. [Ces résultats] reflètent crûment l'incapacité du réseau consulaire à se mobiliser autour d'un projet fédérateur, au-delà des efforts de communication déployés en vain ».
La plupart des créateurs auditionnés dans le cadre de ce rapport nous ont confirmé ne pas avoir eu connaissance ou ne pas avoir eu recours à ce dispositif.
Les Chambres de Métiers se présentent à juste titre comme un interlocuteur naturel des entrepreneurs puisque 45 % des créateurs sont des artisans.
Elles accueillent près de 200.000 porteurs de projets par an et leur proposent des demi-journées d'information, des stages de préparation à l'installation (50 000 créateurs ou repreneurs par an) ou des formations « longues » (11 000 par an).
La France connaît, par ailleurs, un net renforcement des réseaux associatifs d'aide à la création d'entreprise.
Beaucoup mériteraient d'être cités ; ainsi par exemple, les R.I.L.E. (Réseaux d'Initiative Locale pour l'Emploi), les C.L.B.E. (Comités Locaux de Bassins d'Emploi) etc.
On se contentera ici de présenter sommairement les quatre réseaux considérés comme les plus importants, dont le professionnalisme est reconnu et dont l'ambition est de parvenir rapidement à un maillage complet du territoire national.
a) L'un d'entre eux mène une action principalement orientée sur l'aide au montage du projet
- Le réseau des Boutiques de gestion
Le réseau des Boutiques de gestion, créé en 1980, fédère 111 points d'accueil et a pour objectif de porter à 150 le nombre de ses implantations d'ici 2005.
Les Boutiques de gestion ont pour mission d'accompagner les créateurs d'entreprises dans toutes les phases de préparation de leur projet et assurer un suivi post-création. Chaque boutique fonctionne avec une équipe de généralistes de la création d'entreprise qui travaillent en liaison étroite avec des spécialistes.
En 1998, le réseau des Boutiques a accueilli environ 31.000 porteurs de projet auxquels il a proposé un premier diagnostic de viabilité du projet. Près de 11.000 d'entre eux ont fait l'objet d'un accompagnement personnalisé tandis que 5.000 entreprises en phase de création ont bénéficié de l'expertise des Boutiques.
b) Les trois autres s'intéressent davantage au financement du projet
- France initiative réseau (FIR) et les plates-formes d'initiative locale (PFIL)
France Initiative Réseau est une fédération de réseaux associatifs dont l'objectif est d'organiser une collaboration entre les collectivités, les opérateurs institutionnels et les entreprises pour créer un environnement favorable au développement de l'initiative économique.
Son réseau est constitué de 152 plates-formes d'initiative locale (PFIL) et de 80 en préparation dont le rôle est la mobilisation de fonds pour financer, sous forme de prêts d'honneur, la création d'entreprises ainsi que la mobilisation de compétences économiques locales pour le parrainage des créateurs et l'accompagnement de l'entreprise en création.
Associations régies par la loi de 1901, les PFIL prennent appui sur des institutions déjà existantes qui les hébergent. En 1998, elles ont aidé 2.000 créateurs à l'aide de prêts d'honneur dont le montant moyen s'élève à 47.000 francs.
- L'Association pour le droit à l'initiative économique (ADIE) (voir dossier)
L'ADIE, créée en 1989, a pour objectif de donner à chacun le droit à l'initiative économique en lui ouvrant l'accès au capital et en lui apportant un soutien professionnel.
Son action repose ainsi sur une assistance au montage de projet, l'octroi d'une aide financière (un prêt d'un montant maximal de 30.000 F qui peut être complété, dans certains cas, par des prêts de matériels ou des prêts d'honneur) et un suivi des entreprises financées.
L'originalité de l'ADIE réside dans la partenariat que l'association est parvenue à développer avec les banques : la banque décaisse les prêts et assure leur gestion mais délègue les fonctions d'accompagnement, d'analyse financière des projets, d'octroi des prêts et de suivi des entreprises. L'esprit de ce partenariat est de faciliter l'insertion des porteurs de projet dans le circuit bancaire et leur permettre d'acquérir l'autonomie financière.
L'ADIE reçoit près de 10.000 demandes de prêts par an et couvre 69 départements. En 1998, le nombre de prêts accordés s'est élevé à 1.629 ce qui porte à près de 6.000, le nombre de prêts accordés par l'ADIE depuis sa création, pour un montant total de 120 millions de francs.
- Le « Réseau Entreprendre »
Le « Réseau Entreprendre » est une fédération d'associations de chefs d'entreprises qui a pour objectif de venir en aide aux « petits projets à potentiel ». Son mode d'intervention repose sur une évaluation des projets de création, l'octroi, en cas de validation, d'un prêt d'honneur sans intérêt, une intégration dans les réseaux économiques locaux et un accompagnement sur une durée de 2 ans.
La diversité des réseaux qui se sont développés en France constitue une richesse indéniable dont l'importance a été reconnue par le législateur à deux reprises. La loi du 16 octobre 1997 relative au développement d'activité pour l'emploi des jeunes et la loi du 29 juillet 1998 sur la lutte contre les exclusions ont en effet consacré leur rôle dans l'appui au créateur d'entreprise en subordonnant l'attribution de l'aide qu'elles mettent en place (une avance remboursable) à un accompagnement en aval de la création. A cette fin, ces textes prévoient que la gestion de l'aide est déléguée à ces organismes sélectionnés dans le cadre d'une procédure dite EDEN, qui met malheureusement beaucoup de temps à s'établir concrètement, sans doute du fait de la lourdeur de la procédure d'appel d'offres retenue. Le législateur ne peut que s'étonner et déplorer que plus d'un an après son vote les dispositions d'un texte majeur ne soient toujours pas en vigueur. voir le texte complet EDEN sur le site
2.- UN SYSTÈME GLOBALEMENT PEU PERFORMANT
a) Un dispositif peu « lisible » pour le créateur
Concluant une étude sur le développement économique local en Europe (19), M. Dominique Thierry note « dans aucun pays de l'Union européenne (...) il n'existe un tel enchevêtrement de structures, d'acteurs et d'intervenants, comme celui que l'on connaît en France ».
On ne saurait mieux expliquer la grande perplexité parfois le découragement des créateurs face à cet « enchevêtrement ».
Cette complexité explique sans doute aussi la faible attractivité du système : on estime qu'environ un entrepreneur sur dix seulement est accompagné pendant sa phase de création. Estimation corroborée par la faible somme des prêts accordés (10 000 par an environ) par les principaux réseaux d'appui à la création d'entreprise. On est loin de l'objectif de « 40 % d'entrepreneurs réellement accompagnés » que fixait le Commissariat Général au Plan dans son rapport de 1996.
Interrogés lors de tables rondes organisées pour la préparation de ce rapport, les créateurs se sont quasi-unanimement plaints de l'absence de lisibilité du dispositif.
Si plusieurs indiquent avoir, après tâtonnements successifs, fini par rencontrer une personne ou une structure efficaces, beaucoup expliquent avoir perdu beaucoup de temps à réunir la première information nécessaire, disent avoir été dans un premier temps mal accueillis, mal orientés, mal informés.
b) Les Chambres de Commerce particulièrement contestées
L'hétérogénéité des réseaux d'aide à la création d'entreprise explique le caractère très marqué territorialement des appréciations élogieuses ou négatives portées par les créateurs qui souvent jugent la structure au plan national en fonction de leur expérience locale et des qualités prêtées à l'accompagnant qu'ils ont rencontré.
Difficile dans ces conditions de prétendre refléter « objectivement » l'évaluation des créateurs des performances de tel ou tel réseau.
Force est pourtant de constater que les « consulaires » ont mauvaise presse auprès des créateurs.
Les Chambres de Métiers, globalement reconnues pour leur activité de formation, sont suspectées de malthusianisme. « Les élus des Chambres de Métiers continuent de voir chez le créateur un rival potentiel » affirme un créateur. « Comment voulez-vous demander à un plombier d'aider d'autres plombiers à s'installer ? » s'interroge un autre.
Accusation démentie par les Chambre de Métiers, même si certaines reconnaissent que des tentations malthusiennes ont parfois pu exister « par le passé ». Le changement d'attitude s'expliquerait par l'autonomie croissante, dans l'exercice de leur métier de formateurs et de conseils, des salariés des Chambres vis-à-vis des élus consulaires et par la prise en compte par ces derniers de l'intérêt global de la défense de l'artisanat, secteur caractérisé par un « turn-over » important : beaucoup de cessations et beaucoup de créations chaque année.
Mais ce sont clairement les Chambres de Commerce qui font l'objet des critiques les plus vives de la part des créateurs.
Quelques citations de ces créateurs, extraites d'auditions réalisées pour ce rapport, donnent une idée de ce désamour :
« La CCI n'offre aucun intérêt. L'information est succincte et au niveau du conseil il n'y a rien à attendre » (Lille). « La CCI il ne faut y aller que pour les formalités » (Paris). « Je ne suis même pas allé à la CCI, ça ne sert à rien » (Amiens). « Ceux qui nous ont reçus (en 1995) ne savaient pas ce qu'est une entreprise ; quand j'ai parlé d'Internet et d'Intranet ils ne savaient pas ce que c'était » (Lille). « Je connais personnellement plusieurs porteurs de projets qui ont arrêté tellement ils ont été découragés par les CCI » (Région parisienne). « Même les chefs d'entreprises installés ne croient pas aux Chambres de Commerce ; il n'y a qu'à voir la faible participation aux élections » (Drôme). « Les élus des Chambres de Commerce ne s'intéressent ni aux petites entreprises, ni à la création. Ce sont des notables locaux qui se battent pour leur bout de pouvoir » (Montpellier).
On pourrait prolonger cette litanie.
On pourrait aussi la contester ; l'échantillon des créateurs réunis était-il représentatif, le nombre d'entretiens de votre Rapporteur avec des créateurs (une trentaine) était-il significatif ?
On pourrait, enfin, nuancer le tableau précédemment brossé. Ainsi l'un des créateurs auditionnés, (Jean Emery, Tracetel SA, Châteaufort) a affirmé que l'utilisation du « Passeport » d'Entreprendre en France s'est révélée très intéressante et lui a permis de trouver un « effet de levier » auprès des banques. D'autres ont indiqué savoir que dans telle ou telle ville la CCI était performante. Enfin, nous avons par nous-mêmes constaté en visitant une Chambre « modèle » sur le plan de l'accueil et de l'accompagnement des créateurs, celle de Bobigny, que des dispositifs performants pouvaient être mis en place par les CCI.
Il n'empêche. Les impressions des créateurs paraissent confirmées par le rapport de l'Inspection Générale des Finances déjà cité qui pointe, notamment, la faiblesse des moyens consacrés par les CCI aux services aux entreprises.
Le service aux entreprises est l'une des missions où la légitimité de l'intervention de l'institution consulaire ne fait aucun doute. Cette mission recouvre plusieurs types d'activités : formalités aux entreprises, assistance technique, appui à l'international, études et informations économiques et aide à la création d'entreprises. Pourtant, le rapport de l'Inspection générale des Finances souligne que peu de moyens y sont consacrés. Les dépenses correspondantes s'élèvent en effet à environ 2,5 milliards de francs sur un budget consolidé de 25 milliards de francs. Les moyens humains sont également limités puisque seulement 3.623 personnes interviennent dans ce domaine sur un effectif total de 22.477, soit 16 % de cet effectif. En outre, la plupart des agents n'ont qu'une faible expérience du monde de l'entreprise, liée à l'absence de mobilité. Enfin, à de rares exceptions près, les Chambres ne se sont pas dotées d'outils d'évaluation permettant d'apprécier l'impact de leurs actions. S'agissant plus précisément du soutien à la création d'entreprises, l'Inspection générale des Finances met l'accent sur la modestie des résultats obtenus par le réseau « Entreprendre en France ». Si 157 « Espaces Entreprendre » ont été mis en place, permettant d'orienter 130.00 porteurs de projets dont 45.000 ont participé à des demi-journées d'information, l'accompagnement proposé dans le cadre des « Passeports Entreprendre en France » n'a bénéficié qu'à 2.630 entrepreneurs en 1997 et 2.809 en 1998. Le rapport relève que « le taux de pérennité à un an de 2.630 entreprises créées (...) est certes élevé - de l'ordre de 85 à 95 % - mais la « part de marché » qu'a acquis « Entreprendre en France » parmi les 168.000 créations enregistrées en 1997 reste négligeable : à peine 1,5 % ». |
Disons le tout net, même si cela n'est pas directement l'objet de ce rapport, la réforme des Chambres de Commerce et d'Industrie, souvent évoquée, toujours reportée, ne saurait être plus longtemps différée comme en conviennent d'ailleurs les plus lucides de leurs élus ainsi que leurs dirigeants nationaux.
On pourrait, au passage, s'interroger sur la pertinence du maintien de deux, et même trois chambres économiques, si l'on tient compte des Chambres d'Agriculture. La « spécificité » alléguée des métiers peut-elle continuer à justifier le statu quo actuel dont tous les entrepreneurs connaissent les limites et les ambiguïtés (double affiliation de certaines professions, incertitudes pesant sur l'affiliation de secteurs entiers de l'économie : conseil, services, agro-alimentaire etc.) ?
Le bon sens voudrait que l'on fusionne les Chambres de Commerce et les Chambres de Métiers en une seule Chambre Économique ou, si l'ont tient absolument au bicaméralisme, que la séparation se fasse comme certains de nos partenaires européens par la taille de l'entreprise et non plus en fonction du « métier ».
Une telle proposition ayant, on le sait, toutes les chances de se voir taxer de provocante pour les uns, d'inopportune pour les autres, tant sont grands en la matière le poids des habitudes, les intérêts personnels ou les lobbies locaux, on se bornera, dans le cadre de ce rapport, à proposer une homogénéisation des moyens et méthodes d'accompagnement des créateurs par les structures consulaires.
c) La complémentarité insuffisante entre les réseaux
On a déjà précédemment évoqué « l'enchevêtrement » des acteurs publics, para-publics et privés de la création d'entreprise.
Les réseaux associatifs n'échappent pas à la règle, leur développement apparaissant tantôt nécessaire (lorsque par exemple, telle ou telle partie du territoire n'est pas couverte) tantôt redondant et même concurrentiel.
Les principaux réseaux souffrent d'une absence de « positionnement clair », vis à vis des créateurs, comme des pouvoirs publics.
Certes, officiellement, tout va bien. Les réseaux rechignent à décrire leurs zones d'intersection qui sont aussi des zones de friction, s'efforcent de donner d'eux-mêmes une image de complémentarité et de coopération.
Ainsi, par exemple, le développement de trois des réseaux associatifs parmi les plus reconnus, l'ADIE, FIR, Réseau Entreprendre est supposé harmonieux.
A l'ADIE l'aide aux chômeurs-créateurs, au Réseau Entreprendre l'appui aux petits projets à potentiel (perspective de 10 à 25 salariés), à F.I.R le soutien aux projets intermédiaires.
Mais à voix basse, sur le terrain, les acteurs locaux de ces réseaux reconnaissent frictions et compétition aux zones frontières.
Parfois l'aveu est public. « C'est un peu le Far-West » reconnaît Marc Saint-Olive, animateur du Réseau Entreprendre, en évoquant les modalités de développement des réseaux.
Une note interne de l'Assemblée permanente des Chambres de Métiers (APCM, juin 1999) indique crûment : « il est très dommage de constater une concurrence stérile entre les acteurs qui souhaitent gagner des quasi monopoles et dont les degrés de compétence ne sont plus clairement définis. Le créateur d'entreprise devient alors un enjeu d'une lutte qui ne le concerne pas et qui ne lui apporte rien ».
En supposant excessif le tableau ainsi dressé, ce que ne manqueront pas d'affirmer plusieurs responsables associatifs, il reste que le monde de l'appui au créateur devient mécaniquement concurrentiel : concurrence entre les réseaux associatifs et les professions libérales, concurrence entre les réseaux pour l'obtention des prestations offertes pour les dispositifs publics d'aides aux créateurs ou aux personnes défavorisées ou pour l'octroi de subventions émanant de la sphère publique ou para-publique (Ministères, Délégation à l'Emploi, Collectivités Locales, Caisse des Dépôts et Consignations, etc.), concurrence avivée par la faiblesse criante et structurelle des moyens de fonctionnement dont ils disposent.
Comment ne pas déplorer que cette « course à la subvention », explicable et légitime, accapare une part si importante de l'esprit, de l'énergie et du temps d'accompagnateurs exerçant le plus souvent ce métier par idéal et dont Claude Alphandéry (20) loue à juste titre « l'énergie, la générosité, l'imagination, l'audace » dont ils font souvent preuve.
d) Une gestion des ressources humaines déficiente
Si l'on devait résumer caricaturalement les carences de la gestion des ressources humaines du système global d'accueil et d'accompagnement de la création d'entreprise fruit de la juxtaposition d'entités diverses et disparates, on pourrait affirmer que l'essentiel des personnels affectés à ces missions pourrait relever de l'une ou de l'autre des catégories suivantes : « mal adaptés » à leur métier ou « mal rémunérés ».
Certains réseaux, y compris publics, ne proposent comme interlocuteurs aux créateurs d'entreprise que des personnes mal adaptées à leur métier, ne connaissant guère le monde de l'entreprise et parfois pas du tout, peu ou pas formées à l'évolution des techniques ou des méthodes de l'entreprise, limitées dans leur évolution personnelle par des « carrières » qui ne leur offrent ni mobilité, ni perspectives d'évolution.
D'autres font appel, au contraire, à de jeunes diplômés de l'enseignement supérieur, parfois dotés d'une première et récente expérience professionnelle, bien formés aux exigences de l'accompagnement... mais dans la plupart des cas mal, parfois très mal, rémunérés n'acceptant leur situation que par conviction ou par militantisme.
Comment ne pas déceler là, l'une des principales faiblesses structurelles de la création d'entreprises en France ?
La quatrième puissance économique du monde devra-t-elle durablement faire reposer l'appui indispensable aux créateurs d'entreprises sur des femmes et des hommes mal préparés à ce métier ou espérer que le militantisme continue de compenser les insuffisances de leur rémunération ? On ne saurait s'y résigner.
« Et pourtant il coûte cher, et son coût va croissant ».
En dépit de ses lacunes, de ses insuffisances, de sa piètre gestion des ressources humaines, le « système français » d'accompagnement des créateurs d'entreprise n'est pas aussi économe qu'on pourrait le supposer.
Voici, résumé par le tableau ci-après, emprunté au Commissariat Général du Plan (1996) l'estimation des coûts des réseaux d'aide à la création d'entreprise.
| |||
|
|
|
|
|
|
200 000 accueils et entretiens individuels |
|
Chambres de commerce |
|
|
Financement par les bénéficiaires et l'État |
|
|
|
|
|
|
|
|
Chambres |
|
|
|
Boutiques |
Informatique/premier montage Formation courte et longue, suivi |
28 000 bénéficiaires 4 800 bénéficiaires |
Budget total de Collectivités (44 millions) Bénéficiaires (16,5 millions) |
|
Premier accueil |
34 000 bénéficiaires |
|
|
Premier accueil Financement de réseaux locaux |
26 000 bénéficiaires |
Budget estimé à 60 millions de francs |
|
|
Appui aux opérateurs 650 « Points chance » (50 % en démarche qualité) |
|
(1) Budget total des CCI : 20 milliards de francs (3,2 milliards consacrés au conseil) dont taxe frais CCI de 5 milliards. (2) Budget global des CM : 2,3 milliards de francs dont taxe frais CM de 705 millions de francs. Le coût global est estimé entre 500 à 700 millions de francs (coût moyen estimé à 600 millions de francs) pour : 400 000 accueils, 70 000 formations courtes (ne comprend pas les formations longues du type chômeur créateur faites par d'autres structures que les Boutiques de gestion). source : Rapport du Commissariat général du Plan - « Évaluation des aides à la création d'entreprise » - 1996 |
S'il n'a pas été possible d'actualiser ce tableau faute de données précises, il est clair que le résultat serait aujourd'hui bien plus élevé, les budgets de l'État, des collectivités locales ou l'appui de la Caisse des Dépôts et Consignations ayant depuis apporté de nouvelles et légitimes contributions au fonctionnement de ces réseaux, pour assurer leur développement sur le territoire ou pour les associer à des dispositifs précis. Il est donc grand temps de transformer et d'améliorer notre système d'accompagnement du créateur d'entreprise.