4.- DÉMOCRATISER L'ENTREPRENEURIAT ET « PARTAGER LE RISQUE »

Depuis quelques années, de nombreuses voix, ne citons que certaines des plus connues : Maria Nowak (ADIE), Jean-Baptiste de Foucauld (Solidarités Nouvelles face au chômage), Claude Alphandery (France Active) ou Jean-Pierre Worms (France Initiative Réseaux) se sont élevés pour appeler à la naissance d'un véritable « droit à l'initiative économique ».

Pour beaucoup, la création de petites entreprises n'est plus seulement un enjeu économique mais aussi politique et social.

Comment esquisser ce « droit », favoriser l'accès à l'initiative du plus grand nombre ?

Pour certains, il suffirait de valoriser davantage l'entrepreneur, supprimer les obstacles administratifs et baisser les impôts, taxes ou charges qui entravent la « libre entreprise ». On peut certes souscrire en partie à ces remèdes.

Des exonérations partielles ou provisoires de charges ont été mises en oeuvre ; elles peuvent être complétées, améliorées notamment dans le sens d'une plus grande progressivité.

De même, en matière administrative, l'État a adopté fin 1997 un vaste plan de mesures de simplification administrative bienvenues (11; mais tous les créateurs citeront spontanément des exemples de ce qui reste à faire dans ce domaine.

La nécessité de « valoriser l'entrepreneur » mérite, elle, qu'on s'arrête davantage. On connaît les « freins culturels », les raisons les plus communément avancées pour expliquer l'insuffisante valorisation dont l'entrepreneur bénéficierait dans notre société : poids de notre héritage judéo-chrétien, rapport ambigu à l'argent et à la réussite individuelle, rôle historique de l'État dans la construction de la Nation française, refus du risque, stigmatisation de l'échec et incapacité à percevoir la part positive de l'échec analysé, etc.

Rien n'est faux. Tout mériterait d'être nuancé, mis en perspective. Mais tel n'est pas l'objet de ce rapport.

Notons cependant que les entrepreneurs portent leur part de responsabilité dans ces blocages culturels dont ils se disent victimes. La plupart des entrepreneurs heureux préfèrent vivre cachés ; ceux que l'on entend et l'on voit passent l'essentiel de leur temps à se plaindre et contribuent peu à la construction du « modèle » qu'ils prétendent par ailleurs appeler de leurs voeux.

Évoquons enfin la thèse de plus en plus communément admise au point de figurer jusque dans les écrits des tenants de la « troisième voie » puisqu'elle est évoquée dans le texte dit « manifeste Blair-Schroëder » du printemps 1999 : l'objectif serait, ni plus ni moins, de faire des chefs d'entreprise des « héros des temps modernes », à l'instar des acteurs, chanteurs ou sportifs, bénéficiaires de la « société de spectacle ».

La création d'entreprises peut incontestablement être une aventure individuelle ou collective, dont le succès est porteur de valeurs : créativité, effort, persévérance et dont les bienfaits collectifs dépassent l'intérêt propre du créateur. Cela mérite-t-il d'être « glorifié » ?

Ne devons-nous pas aujourd'hui nous fixer pour objectif de banaliser la création d'entreprise, d'en faire l'une des voies naturelles s'offrant à une personne désireuse de s'investir professionnellement ?

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