EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du mardi 14 septembre 1999, la commission des Finances a examiné, en application de l'article 145 du Règlement de l'Assemblée nationale, le présent rapport d'information intitulé « Pour un plan d'urgence d'aide à la création de très petites entreprises ».

Après l'exposé du Rapporteur, une discussion s'est engagée.

M. Dominique Baert a souligné l'intérêt du rapport, notamment ses deux grandes idées : d'une part favoriser la création d'entreprise et d'autre part favoriser les plus petites d'entre elles. Les entreprises de zéro à neuf salariés constituent en effet la très grande majorité des entreprises alors que la densité des très petites entreprises est moins forte en France qu'à l'étranger. Dans le cadre de la politique de la ville, il convient de favoriser leur création en ayant à l'esprit que celle-ci peut favoriser l'emploi au coeur des quartiers défavorisés. La politique en faveur des très petites entreprises doit comporter trois axes. En premier lieu, il convient de simplifier les procédures de création. L'idée des « maisons de l'entrepreneur », conçues comme des centres uniques, mérite d'être mise en oeuvre à cette fin bien qu'elle puisse conduire à des problèmes de transfert de compétences, notamment de celles qui relèvent des greffes des tribunaux de commerce. Le tutorat doit accompagner la création des entreprises. Le deuxième axe de la politique en faveur de la création d'entreprises doit être d'alléger les conditions de gestion des très petites unités. La loi de finances pour 1999 a ainsi aménagé le régime fiscal de la micro-entreprise, afin de simplifier les obligations fiscales et comptables de très petites entreprises. Il faut poursuivre dans cette voie et faciliter l'embauche du premier salarié qui constitue un seuil psychologique important. Enfin, le troisième axe est de ne pas abandonner les petites entreprises dont la taille augmente. Le passage de neuf à dix salariés constitue un seuil financier important et s'avère en effet délicat pour nombre d'entre elles. Il est donc indispensable de lisser les différents seuils sociaux et financiers.

M. Jean-Jacques Jegou a considéré que l'exercice qui consiste à commenter un rapport à peine disponible était évidemment difficile et il a souhaité que les rapports puissent être distribués à l'avance. Pour d'aborder un tel sujet il convient de balayer toute idéologie. Les ultra-libéraux ne sont pas toujours des créateurs d'entreprises, loin s'en faut. A gauche, une évolution semble se dessiner ; d'ailleurs le Premier ministre a fait observer que tout ne peut être décidé par des lois. En France, c'est surtout et d'abord la culture d'entreprise qui fait défaut. Ainsi, il n'y a qu'1 à 2 % des élèves diplômés des grandes écoles de commerce qui créent des entreprises. Pourtant créer une très petite entreprise n'est nullement « ringard ». C'est toute une politique de formation et toute une culture qu'il convient de revoir pour aller à l'encontre de cette idée. Il faut donc valoriser l'idée d'entreprendre, encourager le parrainage et le tutorat, ainsi que le temps de travail partagé entre plusieurs entreprises. La difficulté de la mise en oeuvre des mesures en faveur de la création d'entreprise réside en outre dans l'identification de projets pertinents. L'ACCRE n'a que très peu aidé à créer une véritable entreprise, mais souvent à assumer quelques investissements. Elle a suscité de nombreux espoirs qui, malheureusement, ont été souvent déçus. L'objectif de dégager les 100.000 premiers francs d'apports pour la création des entreprises est pertinent. Mais les outils fiscaux ne sont, bien entendu, pas à négliger. Des aides fiscales orientant l'épargne de proximité vers la création d'entreprises sont à développer. Enfin, les plans d'affaires et la recherche d'investisseurs providentiels -qui font souvent preuve d'un réel dynamisme- peuvent utilement compléter ces mécanismes.

M. Michel Destot a estimé que trois conditions étaient nécessaires à la réussite de la création d'entreprise :

- une volonté du porteur de projet ;

- des modalités de financement adaptées ;

- et la capacité de sélectionner de véritables entrepreneurs, puisque de nombreux projets étaient voués à l'échec dès le départ en raison de la personnalité de leur animateur, ce qui devait encourager la réflexion sur les dispositifs de formation et de sélection. Il convient aussi d'adapter le dispositif d'aide à la dimension et au potentiel de croissance du projet d'entreprise et savoir différencier les actions en fonction de ces critères. On peut ainsi s'interroger sur la composition des conseils d'administration. Il y a enfin un clivage entre les institutions relevant de la sphère économique et financière comme les Directions Régionales de l'Industrie, de la Recherche et de l'Environnement (DRIRE) ou l'ANVAR et ceux appartenant aux sphères sociale et de l'insertion professionnelle, dont les moyens d'action sont moins importants. Le rôle et les moyens de l'État doivent être indéniablement revus.

M. François Baroin a indiqué qu'il ne fallait pas mélanger les très petites entreprises et les PME classiques. Dans ce domaine l'idéologie n'est pas de mise, même si l'on peut se demander si le rôle de l'État n'est pas de lever les obstacles à la création d'entreprise plutôt que de mettre en place des structures plus ou moins redondantes. Par ailleurs, l'État entend-t-il se substituer aux collectivités territoriales défaillantes dans ce domaine ou à d'autres acteurs ? L'exemple des plates-formes d'initiative locale vaut-il constat général de la carence des chambres de commerce et d'industrie dans le dispositif de soutien ?

En réponse aux différents intervenants, M. Éric Besson, rapporteur, a remarqué que le transfert de certaines formalités des préfectures vers les centres de formalités des entreprises présents dans les chambres de commerce et d'industrie était également préconisé dans un récent rapport de l'Inspection générale des Finances. Cette proposition va dans le sens d'un regroupement des initiatives en faveur de la création d'entreprises au sein des maisons de l'entrepreneur. L'accompagnement de la création d'entreprise présente des faiblesses en France, tant en amont, c'est-à-dire lors de l'accueil du porteur de projet, qu'en aval, où il était quasiment inexistant, à la différence du Québec où ont lieu des expériences intéressantes, comme celles du tutorat.

Si l'on peut identifier de nombreux points d'accord avec M. Jean-Jacques Jegou, car dans l'action immédiate il convient effectivement de dépasser les clivages politiques, il n'en reste pas moins que des enjeux politiques surgissent parfois sur ce thème, comme par exemple dans la distinction entre la liberté formelle d'entreprendre et la liberté réelle, qui implique de reconnaître ce droit à chacun, quel que soit l'état de ses finances.

La sphère économique est en effet distincte de l'économie sociale qui relève d'un autre débat et dont la valeur n'est pas mise en cause. Si les mesures présentées dans le rapport ne sont pas radicalement originales pour la plupart d'entre elles, en revanche leur mise en oeuvre constituerait une réelle innovation. S'agissant de l'ACCRE, si des dérives ont été constatées en raison notamment du caractère quasi automatique de son octroi, il serait excessif de charger ce mécanisme de tous les maux puisque, selon une étude de l'INSEE, 57 % des chômeurs bénéficiaires de cette aide au premier trimestre 1994 étaient toujours à la tête de leur entreprise à la fin de 1997.

Les investisseurs providentiels doivent être organisés et encouragés, notamment par le biais d'un aménagement de l'ISF en leur faveur. La sélection des chefs d'entreprise est un travail difficile mais il convient de favoriser l'adéquation maximale entre un homme et un projet sans se prononcer sur les qualités intrinsèques de l'individu. Ceci est la base de l'aide au montage d'entreprise, qui pose la question des moyens des chambres de commerce.

Au sein des très petites entreprises, il faut distinguer les véritables innovateurs de ceux qui interviennent dans un secteur technologiquement évolué comme celui du commerce électronique, sans pour autant faire appel à une technologie innovante. S'agissant des plates-formes, il n'est pas question d'empiler les strates des dispositifs d'aide mais simplement d'agréer quatre ou cinq réseaux nationaux dont font partie les plates-formes d'initiative locale, afin de permettre de les identifier clairement dans les « maisons de l'entrepreneur ».

Après que le Président Augustin Bonrepaux ait souhaité que le rapport d'information soit suivi d'effets concrets, la Commission a autorisé, conformément à l'article 145 du Règlement, sa publication.

Suite

retour sommaire du rapport