Les Etats généraux de la création d'entreprise

11 avril 2000


Sommaire

Première table ronde : Encourager la création (ci-dessous)

Deuxième table ronde : Accompagner les créateurs

Troisième table ronde : Financer la création

Synthèse des débats


Première table ronde : Encourager la création

Y ont participé :

Maxime BONO, Député de Charente Maritime et Maire de la Rochelle

Elie COHEN, Président de la Commission Esprit d’Entreprise du CNCE

Laurent DEGROOTE, Président du Centre des Jeunes Dirigeants d’Entreprise

Denis GAUTIER-SAUVAGNAC, Président de l’UNEDIC

Michel HERVE, Président de l’APCE

Pierre-Yves LAGARDE, Gérant de Influx

Martine MAULEON, Directrice générale de la chaîne TV Demain !

Maria NOWAK, Présidente de l’ADIE

Salim SAADI, Directeur commercial de Teambat

Les discussions ont été animées par Elisabeth MARTICHOUX.

Cette table ronde débute par la projection d’un film. Des créateurs d’entreprise, comme Salim Saadi, s’expriment et reviennent sur leur histoire, les difficultés rencontrées aux premiers jours de leur entreprise, leurs ambitions, leurs rêves, même lorsqu’ils sont encore étudiants. Il s’agit bien de passer de l’envie à la création !

Elisabeth MARTICHOUX

Comment faire en sorte que le désir suscite un passage à l’acte et comment promouvoir l’esprit d’entreprise ? Pour répondre à ces questions, et à d’autres, nous accueillons nombre d’invités. Nous reviendrons avec eux sur le rôle des collectivités locales, de la Commission du CNCE, le travail du CJDE, le rôle de l’UNEDIC mais aussi sur la place de l’APCE, d’Influx, société conseil aux entreprises en matière de protection sociale, de TV Demain, de l’ADIE et sur les activités de Teambat.

L’esprit de création commence dès la formation, comme le disait Laurent Fabius à l’instant. Mais, Michel Hervé, pourrions-nous débuter ce débat par un état des lieux ?

Michel HERVE

En 10 ans, nous avons connu une baisse considérable du nombre de création d’entreprise, d’abord du fait du mauvais contexte économique au début des années 90. Nous comptions 170 000 créations d’entreprise en 1999. Nous aurions 4,4 millions d’entreprises, soit le double du chiffre actuel, si le taux français de création d'entreprise était le même qu’aux Etats-Unis. J’ajoute que nous sommes devant un paradoxe dans notre pays : 1,5 million de Français désiraient entreprendre en 1992 ; nous en sommes à 13 millions, dont 3 qui ont un projet précis ! Et les jeunes sont très actifs en la matière.

La création d’entreprise est un terme générique qui ne peut cacher une grande diversité. 136 000 entreprises n’ont employé que leur patron, tandis que 1 700 ont été créées avec 10 salariés et plus. 42 % des entreprises n’ont pas eu besoin de 50 000 francs pour démarrer, 14 % ont eu besoin de 100 à 250 000 francs.

37 000 créateurs seulement ont bénéficié d’un apport bancaire, tandis que 116 000 n’ont bénéficié d’aucun financement extérieur. 1 500 personnes ont fait appel au capital risque. Coté formation, un créateur sur 5 n’a pas de diplôme, 16 % sont au moins Bac + 3. Un tiers des créateurs d’entreprise a un CAP ou un BEP, un autre tiers est Bac + 2.

Le commerce représente 27 % des créations, le service aux entreprises 26 %, l’industrie 8 % (là où pourtant la taille des entreprises est la plus importante). 0,5 % des entreprises créées aujourd’hui sont dans les nouvelles technologies, ou NTIC. 44 % des créateurs NTIC ont moins de 30 ans contre 25 % dans les autres activités. 40 % des créateurs NTIC sont Bac + 3.

Généralement, le taux moyen de pérennité est de 50 % à 5 ans. Mais seulement 20 % sont de vrais échecs économiques. Plus important : la création d’entreprise permet la pérennisation de 250 000 emplois en trois ans.

Elisabeth MARTICHOUX

Merci pour ce paysage général. Comment promouvoir l’esprit d’initiative et d’entreprise ? Tout commence à l’école, nous le savons. Mais l’école en France prépare sans doute avant tout au salariat. Elie Cohen, quel est votre diagnostic au sein du CNCE ?

Elie COHEN

Nous nous intéressons effectivement au système éducatif, qui comprend au total 15 millions de jeunes. C’est dire si l’enjeu est majeur !

13 millions de jeunes suivent le primaire et le secondaire. Leur attitude vis-à-vis de l’entreprise est donc cruciale. Pour nous, il y a trois directions possibles pour les amener à s’intéresser à l’entreprise et à la création : sensibilisation, formation, et accompagnement. Les actions de sensibilisation, issues des rectorats, des tutorats, ou du Ministère sont nombreuses : stages, visites d’entreprises journées entreprises, jeux…. Des activités permettent donc au jeune de découvrir l’entreprise et de dépasser les clichés. Ces sensibilisations représentent un travail de fond. En effet, les élèves du primaire et du secondaire ne pensent à la vie professionnelle qu’à long terme. Mais ce travail de fond est important car il porte sur les représentations des entreprises, ou les clichés. Il est d’ailleurs important de le mener très en amont.

Les actions de formation sont plus tardives et consistent à introduire des modules dans l’enseignement. Ces modules interviennent souvent au niveau du lycée, qui comprend 2,3 millions de jeunes, ce qui est là encore important. Les spécialités de métiers, comme l’hôtellerie, connaissent de réalisations en matière de formation qui donnent par exemple la maîtrise d’outils d’analyse ou opérationnels.

Enfin, en termes d’accompagnement, les expériences sont encore embryonnaires. Nous notons cependant quelques réalisations pionnières.

Au total, le bilan est satisfaisant en matière de sensibilisation. En matière de formation et d’accompagnement, il existe des choses mais nous pourrions sans doute faire mieux.

Elisabeth MARTICHOUX

Salim Saadi, vous avez créé votre entreprise. Vous avez un BTS de maintenance industrielle. Lors de vos études, avez-vous senti que l’on vous encourageait à la création d’entreprise ?

Salim SAADI

Une sensibilisation sur l’entreprise est effectivement réalisée à l’école. Par contre il n’y a aucun accompagnement à la création d’entreprise. Les lycéens et les étudiants ne sont pas éduqués à devenir des chefs d’entreprise. Un jeune qui souhaite se lancer doit tout découvrir sur le terrain. Pourtant, certaines méthodes qui sont appliquées dans les écoles de commerce pourraient être mises en œuvre dès le lycée ou l’université. Je considère que les jeunes lycéens, peut-être à partir de la terminale, sont aptes à comprendre des cours de formation d’entreprise. La sensibilisation à l’entreprise existe, mais pensez-vous qu’un stage d’une semaine est suffisant pour qu’un lycéen comprenne le milieu de l’entreprise ?

Elisabeth MARTICHOUX

Maria Nowak, souhaitez-vous dire un mot sur cette question ?

Maria NOWAK

Je pense que l’école ne doit pas être l’entrée obligatoire de la création d’entreprise. Créer une entreprise signifie disposer d’un savoir particulier et avoir un esprit d’entreprendre. Ce savoir et cet esprit ne s’acquièrent pas à l’école. Pour moi, la création d’entreprise est au contraire une chance pour les personnes n’ayant pas suivi d’études lorsqu’elles ont l’envie et le savoir-faire.

Toutefois, il existe un handicap important pour les personnes ayant un projet mais qui n’ont pas de diplôme. On peut comprendre qu’il y ait des exigences de diplômes pour certains métiers à risque. Mais une personne qui souhaite créer une entreprise de lavage de voitures doit-elle obligatoirement être diplômée ? Cette question des diplômes favorise au contraire le travail au noir. Je pense qu’il est nécessaire de mettre rapidement en place des systèmes de validation professionnelle pour faciliter la création d’entreprise.

Elisabeth MARTICHOUX

Certaines réalisations ont-elles été faites sur ce sujet ?

Elie COHEN

Concernant l’offre de formation, deux séries de réalisation ont été récemment amplifiées. Tout d’abord, des filières spécialisées en création d’entreprise ont été mises en place. Des jeunes ayant un projet peuvent ainsi recevoir un enseignement qui pourra être appliqué dès le passage à l’acte. Pour les étudiants n’ayant pas de projet concret, il existe des projets pédagogiques de simulation à la création.

A côté de ces formations spécialisées, des formations de sensibilisation ont également été mises en place. Ainsi, de plus en plus d’écoles d’ingénieurs mettent en place des modules d’initiation à l’entreprise. Cette sensibilisation permet de semer une idée pour les jeunes qui sont réceptifs, mais elle a également un autre résultat. En effet, elle permet d’éviter que les personnes qui n’ont pas envie de créer leur entreprise n’aient des représentations négatives.

Salim SAADI

Je souhaite revenir sur la question de la validation des acquis. Cette validation est importante, mais je pense qu’il faudrait aussi réglementer et ne pas faire payer les jeunes entreprises qui souhaitent avoir un agrément. Ainsi, lorsque j’ai créé mon entreprise, j’ai été obligé de payer un agrément à l’ART. N’est-ce pas scandaleux ?

Elisabeth MARTICHOUX

Pensez-vous que l’école facilite la création d’entreprise ?

Laurent DEGROOTE

Je ne pense pas que ce soit le rôle de l’école. Au contraire, la particularité du créateur d’entreprise est qu’il n’a pas besoin de diplômes.

Au Centre des Jeunes Dirigeants d’entreprise, nous recevons beaucoup de créateurs, même si nous pensons que des lieux spécifiques à la création d’entreprise devraient exister. Pour faciliter la création, un décloisonnement est absolument nécessaire. Le véritable enjeu de la création d’entreprise est aujourd’hui de mailler. Nous sommes dans une société où il faut travailler ensemble et mener collectivement des projets d’entreprise.

Que faisons-nous au Centre ? Nous avons créé des " jeux de rôle " permettant aux jeunes de découvrir les différents aspects d’un créateur d’entreprise. Ensuite, en tant que chef d’entreprise, nous avons tous la responsabilité de l’accueil des stages. Pour que ces derniers soient utiles, il faut qu’ils soient bien menés. Dans le cadre d’un BTS à Vannes, nous avons mis en place un système d’accompagnement des jeunes qui devaient faire un stage en entreprise, en nommant un tuteur dans le monde de l’entreprise et un parrain dans le milieu scolaire. Je pense que le rapport de stage doit être aussi utile à l’étudiant qu’à l’entreprise. Résultat : la plupart des jeunes a été embauché à la fin de leur stage. Preuve que le décloisonnement fonctionne.

Elie COHEN

Je souhaite revenir sur le problème de la formation. Bien entendu, il n’est pas nécessaire d’être diplômé pour monter une entreprise. Toutefois, une formation adaptée peut souvent permettre de viabiliser les projets. Par exemple, il me semble absolument nécessaire que les créateurs d’entreprise de haute technologie disposent d’une bonne qualification pour réussir. Les statistiques montrent d’ailleurs que les entreprises créées par une personne ayant une bonne formation sont beaucoup plus pérennes. La formation, même si elle n’est pas obligatoire, permet tout de même viabiliser les projets.

Plusieurs dispositions permettant de faciliter la création d’entreprise ont été mises en place. Ainsi, un appel aux incubateurs a permis de labelliser 23 d’entre eux. La création de fonds d’amorçage, qui n’en est encore qu’à ses balbutiements, permettrait également de faciliter le lancement des projets.

Elisabeth MARTICHOUX

Vous êtes professeur et je ne voudrais pas vous mettre en porte à faux, d’autant que nous sortons d’un contexte de crise. Mais une question se pose : quelle est la situation au sein des IUFM ?

Elie COHEN

Les enseignants sont attachés à leur indépendance d’esprit. Ils veulent donc aborder l’entreprise en toute indépendance. Cela se joue au sein des IUFM, où nous pourrions imaginer la systématisation de modules de sensibilisation, et dans le cadre de la formation continue, pour que les professeurs connaissent bien le sujet. Ainsi, la motivation et la compétence des enseignants seraient renforcées, le tout sur la base du volontariat.

Elisabeth MARTICHOUX

Michel Hervé, l’APCE dispose aussi d’outils de formation initiale.

Michel HERVE

Nous voulons rapprocher école académique et école de la vie. Nous mettons donc sur notre site toutes les recettes de cuisine qui intéressent les créateurs et les futurs créateurs, pour trouver où se situent les appuis et les partenaires par exemple. Il est vrai que le créateur a besoin des autres, toujours. Nous mettons donc en ligne 1500 pages en HTML et 1000 fichiers d’aide. Le site est visité par 130 000 personnes par mois ! C’est considérable. En plus de l’école académique, la création d’entreprise a donc besoin d’autres outils.

Elisabeth MARTICHOUX

Martine Mauléon, vous connaissez bien la population des jeunes créateurs d’entreprises.

Martine MAULEON

Pas uniquement des jeunes car la plupart des gens qui pensent créer des entreprises sont des personnes qui changent de vie et qui veulent valoriser leur savoir faire en créant leur entreprise. Ces gens ont entre 25 et 55 ans. Leurs niveaux d’étude sont très variables. Je souligne que ces personnes sont capables d’être mobiles, ce qui compte beaucoup pour un créateur. La formation du territoire est en effet à mon sens aussi importante que la formation des personnes. Nous ne ferons rien si les territoires ne sont pas formés. Et je note que nous avons un élu local à notre table… La formation des territoires et des accompagnants est bel et bien essentielle. Voir un élu dire que la reprise de la boucherie du coin n’est pas possible, tout simplement, n’est plus acceptable.

Elisabeth MARTICHOUX

Laurent Fabius en parlait d’ailleurs et mentionnait le rôle des collectivités locales. Je me tourne donc vers Maxime Bono.

Maxime BONO

La création d’entreprise est le meilleur indicateur de la santé d’un territoire et de son évolution. Une collectivité doit donc se mettre au cœur des dispositifs et des partenariats.

Elisabeth MARTICHOUX

Le faites-vous forcément ?

Maxime BONO

Il faut d’abord répondre aux freins et aux peurs. La première chose à faire est de mettre en relation ceux qui pensent créer leur entreprise et des entrepreneurs qui ont finalisé leur projet et qui connaissent le succès. Dans notre région, nous avons ainsi établi des liens entre l’incubateur et la pépinière d’entreprises, pour que les gens se rencontrent. Autre solution : si une personne veut monter une entreprise de petite taille, nous pouvons utiliser les fonds d’amorçage, des départements ou des collectivités. Reste la peur des formalités administratives. On vous demande des renseignements alors que rien n’existe. Nous avons donc monté le club des Intervenants Locaux pour l’Emploi, ou ILE, qui permettent d’organiser des rencontres entre les administrations. L’on sait avec ces ILE qui peut donner précisément le bon renseignement.

Elisabeth MARTICHOUX

Laurent Degroote, vous parliez de tutorat, système qui créé de la richesse au sein des entreprises. Mais le dirigeant est-il lui-même conscient de ce fait ?

Laurent DEGROOTE

L’entreprise change et on ne peut plus la manager comme hier. Les collaborateurs doivent être autonomes, pleins d’initiative, capables de s’adapter au changement et surtout de l’anticiper. Les collaborateurs doivent donc et peuvent être des co-entrepreneurs au sein de l’entité. Il s’agit bien d’avoir une entreprise gagnante/gagnante, sur le plan économique et social. Parallèlement, les chefs d’entreprise " doivent se bouger ". Nous avons signé une convention avec l’ADIE notamment, pour que 25 % de nos membres participent directement aux actions programmées. Au travers de notre expérience terrain, nous devons faire partager ce que nous avons vécu à celles et ceux qui pensent créer leur entreprise.

Elisabeth MARTICHOUX

Nous arrivons à notre sujet suivant : les passerelles nécessaires pour passer d’un statut à un autre, celui de salarié ou de chômeur à celui de chef d’entreprise. Tel fut votre cas, Pierre-Yves Lagarde.

Pierre-Yves LAGARDE

J’ai été cadre durant 10 au sein d’une entreprise et j’ai démissionné fin 1997 pour créer Influx, une SARL. Nous sommes une structure légère, avec une personne au départ, un ordinateur et un fax… La première année, nous avons eu 450 000 francs d’honoraires. Ce montant a doublé tous les ans. J’en arrive maintenant à m’interroger sur le recrutement.

Ai-je eu l’esprit d’entreprise en tant que salarié ? Qu’est-ce qui m’a aidé durant ces 10 ans de salariat comme cadre ? D’abord, je ne regrette absolument pas ma décision, 36 mois après. Par ailleurs, mes 10 ans de salariat ont été un parfait terrain d’incubateur ; j’ai en effet constitué durant cette décennie mon expertise, mon business plan et ma connaissance de marché. L’age de la création est un point important. Une très jeune personne qui crée une entreprise suscite souvent des admirations béates. Je suis pour ma part beaucoup plus admiratif devant des gens de 45 ans, qui ont des charges financières et de famille. A 25 ans, on n’a rien à perdre !

Elisabeth MARTICHOUX

Mais l’échec en France est encore vécu comme infamant.

Pierre-Yves LAGARDE

Plus à 50 qu’à 20 ans !

Salim SAADI

Quand vous échouez, vous êtes mis de coté. Il est vrai qu’à 25 ans, je n’avais rien à perdre, d’autant que j’étais au chômage. Reste que l’on n’accepte pas l’échec.

Pierre-Yves LAGARDE

Le salariat a donc été un terrain d’incubation pour moi. Venons-en à l’autre revers de la médaille.

La perte de la structure, fin 1997, a été mon premier choc. Ce fut un véritable trou d’air ! Le problème de la solitude, et de l’identité professionnelle au sein d’une SARL inconnue, doivent aussi être cités. Enfin, l’aspect le plus difficile pour moi fut le suivant : devoir assumer l’environnement administratif et réglementaire. Salarié, je n’avais aucune conscience de cet environnement. A cette époque, je limitais ma lecture de ma feuille de paye à la dernière ligne... En tant que créateur, voir les autres lignes fut un véritable choc.

Elisabeth MARTICHOUX

Denis Gautier-Sauvagnac, le site Internet du Secrétariat d’Etat de Madame Lebranchu a reçu une question relative à l’absence d’indemnités chômage en cas d’échec. Quelle est votre réflexion en la matière, d’autant que les caisses sont pleines si je puis dire ?

Denis GAUTIER-SAUVAGNAC

Le débat existe, c’est certain. Nous sommes en négociation et nous voulons passer d’un contrat d’assurance chômage à un contrat d’assurance retour à l’emploi. Dans ce domaine, utiliser les ressources de l’UNEDIC pour mener une politique plus active de l’emploi, dès lors que l’existant est maintenu, est une bonne idée. L’état d’esprit est donc favorable actuellement. Mais je dois reconnaître que nous ne faisons pas grande chose face à deux grandes questions.

Première grande question : comment vais-je vivre lorsque je créerai mon entreprise ?

Si on regarde ce qui passe hors de France, l’on voit que les systèmes possibles sont innombrables : maintien de l’indemnité chômage durant un certain laps de temps, assurance d’un travailleur indépendant si son entreprise ne fonctionne plus… En France, il y a deux cas de figure et donc deux idées que nous défendons actuellement :

  • Vous êtes salarié et vous allez démissionnez pour créer une entreprise

Que vous donne-t-on comme filet de sécurité ? Rien ou à peu près. Notre première idée est donc de considérer qu’une démission pour création d’entreprise est aussi légitime que les autres cas de démission (si vous n’êtes plus payé, si vous suivez votre conjoint….). Le mot de légitime est important compte tenu de nos règlements.

  • Vous êtes chômeur et vous voulez créer votre emploi

Il existe quelques systèmes comme l’ARAC, activité réduite avec allocation de chômage. Cela n’existe pas tout à faire pour la création d’entreprise. Nous voudrions donc considérer qu’un salarié chômeur et voulant créer se voit maintenir son indemnité durant un certain temps (six mois, un an….).

Dans les deux cas de figure, l’idée de sécurité est essentielle.

Deuxième grande question : comment vais-je vivre en cas de défaillance ?

Là non plus, nous ne sommes pas très bon, si nous considérons le système actuel. En cas de casse, vous avez 12 mois pour revenir sous un filet légèrement protecteur. En outre, dans le cadre de l’allocation aux chômeurs créateurs ou repreneurs d’entreprises, qui est une aide de l’Etat, vous pouvez ajouter 24 mois. Mais un tiers des entreprises disparaît au bout de 3 ans et 50 % au bout de 5 ans. En d’autres termes, ces 3 à 5 ans sont une période d’incertitudes. Les lever revient donc à encourager la création d’entreprise. Dans la limite de 4 ans, vous pourriez revenir à votre situation précédente, celle de salarié ou de chômeur créateur par exemple. Nous voulons donc privilégier la reprise pour création d’emploi comme le passage à l’acte.

En tout état de cause, l’entrepreneur semble ce matin salué par tous. Je m’en félicite car c’est la seule source de richesse pour notre pays.

 Michel HERVE

Je pense que l’on est à " l’an I " de la création d’entreprise. Pendant longtemps, le monde politique ne s’y est pas intéressé, captivé qu’il était par les grosses entreprises plutôt que par cette microéconomie. De même, les chefs d’entreprise ont longtemps été défavorables à la création par peur d’une certaine concurrence. Aujourd’hui, les chefs d’entreprise ont compris l’utilité qui existe à ce que de nouvelles entreprises soient créées.

Laurent DEGROOTE

Il est certain que les entrepreneurs ne s’impliquaient pas assez dans la création d’entreprise. Quitte à me répéter, je pense que le décloisonnement est nécessaire. A partir du moment où, ensemble, nous facilitons la création, nous répondons à l’intérêt général, économique et social.

Maria NOWAK

Il ne faut pas oublier que près de la moitié des créateurs d’entreprise sont des chômeurs ou des bénéficiaires du RMI. Il est nécessaire de parler de ces personnes. En effet, celles-ci prennent également un risque de perte de revenu, même si celui-ci est faible, en créant leur entreprise. Il y a eu certaines avancées, notamment le maintien d’un revenu minimum pendant les six premiers mois suivants la création. Mais elles sont fortement insuffisantes. Par exemple, les prélèvements de charges sociales sont encore beaucoup trop importants. Il faut envisager un allègement de charges pour les créateurs.

Je pense qu’il est également nécessaire de simplifier les démarches administratives. Est-ce normal qu’un créateur d’entreprise doive s’adresser trois caisses différentes ? Tous les créateurs d’entreprise seraient libérés si des solutions à ce problème pouvaient être trouvées.

Elisabeth MARTICHOUX

On dit que créer une entreprise n’est pas un acte simple. Est-ce le cas ?

Pierre-Yves LAGARDE

Le jour de la création, tout est simple. Par contre, cela commence à se compliquer dès le lendemain. Ainsi, j’ai très rapidement ressenti le poids des organismes sociaux. Avant d’avoir gagné son premier franc, les organismes sociaux viennent nous demander de l’argent. Il est insupportable qu’on demande de l’argent à un créateur d’entreprise avant qu’il n’ait réalisé un chiffre d'affaires minimum.

Un autre point est particulièrement cauchemardesque : lorsque le créateur a eu un parcours professionnel discontinu. Ainsi, il m’a fallu un an de démarches pour ne pas avoir à cotiser auprès de deux organismes simplement parce que j’avais eu, deux ans avant de créer mon entreprise, une expérience libérale.

Elisabeth MARTICHOUX

Un régime social simplifié vous ferait sans doute plaisir.

Salim SAADI

Dès que l’on a créé son entreprise, l’administration pense que celle-ci est tout de suite énorme avec un chiffre d'affaires important. Demande-t-on à un bébé de prendre son biberon seul à sa naissance ?

Michel HERVE

Le coût administratif inhérent à la création d’entreprise se monte à environ 4 000 francs. Mais si le coût est une chose, l’environnement administratif en est une autre. Pour ce dernier point, je pense que le problème est malheureusement bien français. Ainsi, des créateurs d’entreprise ont mis une journée pour créer leur entreprise à Bruxelles. Après trois semaines, la même entreprise n’est toujours pas créée en France. Cette lourdeur du dispositif est dans la culture française.

Martine MAULEON

Les gens se rendent compte très rapidement, non pas de la difficulté, mais de la lourdeur administrative. Ainsi, certains créateurs cèdent après trois ans. Ceci dit, je pense que la chose la plus importante pour la création d’entreprise est de communiquer autrement. Créer une entreprise est à la portée de tout le monde. Il n’y a pas d’école de formation ; c’est une formation continue. L’important pour un créateur d’entreprise est d’avoir un projet. La suite peut s’acquérir sur le tas.

Je pense qu’il est essentiel de valoriser le projet, et pas seulement les grandes entreprises. Les seules petites entreprises dont on parle en France sont les start-up. Il faut faciliter la communication pour ces petites entreprises.

Salim SAADI

J’aimerais souligner qu’il existe beaucoup d’associations qui font un travail de terrain important. Un créateur d’entreprise doit absolument se renseigner auprès de ces associations car il n’est pas possible de tout faire tout seul.

Elisabeth MARTICHOUX

Il est également important de choisir un bon statut juridique.

Laurent DEGROOTE

Effectivement. Il existe des formules juridiques permettant de différencier capital professionnel et capital personnel. Avant de choisir son statut, il est important de bien se renseigner. D’ailleurs, de manière générale, je pense que l’important dans la création est de ne pas être seul. Il ne faut pas hésiter à se faire accompagner de professionnels qui connaissent les démarches.

Elisabeth MARTICHOUX

Je vous propose de conclure cette table ronde.

Salim SAADI

Je voudrais répéter qu’il est impossible de créer son entreprise en étant seul. Des associations d’aide – l’AMIEL, les Boutiques de Gestion et l’EURIL – aux créateurs existent. Il faut les utiliser.

Maria NOWAK

Je voudrais insister sur l’énorme potentiel qui existe en France. Il faut dynamiser la création grâce à un environnement porteur et à l’accès au capital pour tous.

Elie COHEN

La formation fait partie de la préparation du projet car elle permet souvent de viabiliser l’initiative. Même s’il n’existe pas d’école de la création, même s’il ne faut évidemment pas mettre en place un diplôme préalable à la création d’entreprise, je pense toutefois que des modules de formation, préalable ou continue, permettent d’éviter certaines déconvenues.

Laurent DEGROOTE

Nous avons envie de partager notre expérience. En conclusion, je dirais : foncez, mais pas tout seul ! Il ne faut pas hésiter à demander l’aide des associations existantes.

Martine MAULEON

Puisque nous en sommes à la période des vœux, j’ajouterais qu’il serait bien que ces associations ne se fassent pas de concurrence. Au contraire, il faut que toutes les associations, les collectivités, les chambres consulaires, etc. travaillent ensemble.

Maxime BONO

Je soulignerai pour conclure que les outils existent sur les territoires. Deuxièmement, je pense qu’un travail est fait et que les territoires ont un rôle fondamental, leurs élus devant être des médiateurs entre les créateurs d’entreprise et les administrations. Il n’y a que des porteurs de projets, et non de petits ou de grands projets.

 Denis GAUTIER-SAUVAGNAC

J’ai ouvert des pistes mais je ne suis pas le seul. Je pense à la simplification, aux charges sociales et effectivement au filet de sécurité. La création d’entreprise est aussi un état d’esprit et beaucoup reste à faire, surtout lorsqu’on voit le nombre de candidats pour un concours administratif récent, qui proposait, au sein d’une grande administration, 160 postes seulement.

Laurent Fabius parlait d’une économie de richesse qui profite à tous. Je parlerai d’une économie de richesse qui profite à tous, par la création d’entreprise !

Michel HERVE

Souvent, le créateur a une éducation de l’autonomie qui peut tendre à l’autarcie. Le créateur doit donc penser à l’environnement qui l’entoure et à l’espace collectif. Lui aussi, le salarié conserve pour lui son expérience, sans penser que celle-ci devient nécessairement de plus en plus collective. Le besoin d’une expérience collective est donc de plus en plus grand.

Pierre-Yves LAGARDE

Pour ma part, je redirai que mon expérience est magnifique et que je ne regrette rien. Je souhaite avant tout, non pas des aides, mais de l’air pour travailler.

Elisabeth MARTICHOUX

Merci à tous.

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réateurs. Certes, en France, des réussites existent, dans certaines villes par exemple, et se renforcent. Je connais aussi le dévouement des réseaux locaux de création d’entreprise et de lutte contre l’exclusion. Sans ces réseaux, depuis 20 ans, la France aurait sans doute connu de graves crises sociales.

Cela dit, je crois que, pour l’essentiel, le dispositif d’accueil et d’accompagnement des créateurs en France est peu performant. Un entrepreneur sur 10 seulement passe par un réseau de création d’entreprise. C’est un échec si l’on considère les objectifs fixées par les gouvernements successifs, puisque le Commissariat Général au Plan en 1996 parlait de 40 % de créateurs passant par ces réseaux. Et il y a un lien évident entre la pérennité et l’accompagnement…

Il y a aussi un paradoxe à mentionner si l’on regarde la situation de notre pays : les créateurs s’adressent avant tout aux banques et aux Chambres de commerce, qui sont pourtant les relais les plus critiqués. Généralement, l’on considère que le dispositif est peu lisible pour le créateur, qu’il est de qualité inégale, que la Gestion des Ressources Humaines est insuffisante, et que la complémentarité est faible entre les différents réseaux.

Coté qualité inégale, le panorama est divers. Les Chambres consulaires et de commerce savent qu’elles font partie des réseaux les plus critiqués. Elles doivent encore faire des efforts, même si certains progrès ont été réalisés. Le débat est différent pour le banques. A l’inverse, le financement de la création correspond bien à la vocation des Chambres. Mais telle Chambre peut bien faire son travail et telle autre, à 50 kilomètres, mal travailler.

Coté Gestion des Ressources Humaines, l’hétérogénéité est là aussi très nette. Des accompagnateurs n’ont jamais mis les pieds dans une entreprise, ce qui est un peu paradoxal… Les créateurs d’entreprise parlent d’ailleurs souvent des qualifications de leurs interlocuteurs.

Comme je vous le disais, la complémentarité entre réseaux est insuffisante. Bien évidemment, des synergies existent parfois, pour les financements par exemple. Mais, souvent, nous sommes face à des problèmes de chevauchement et de concurrence.

Ivan LEVAI

Iriez-vous jusqu’à dire, comme Madame Lebranchu dans " Les Echos ", que la création d’entreprise est une affaire d’Etat ?

Eric BESSON

Je ferais miens les propos que tenaient le Premier Ministre sur un autre dossier : " ce n’est pas une affaire d’Etat, mais une affaire de l’Etat ". L’Etat a bien évidemment une responsabilité particulière dans la création d’entreprise.

Ivan LEVAI

Madame Gagnier, avez-vous rencontré les bons accompagnateurs et les bons interlocuteurs lorsque vous avez décidé de monter votre entreprise ?

Nadine GAGNIER

Je voudrais préciser que je fais partie des créatrices volontaires qui ont été accompagnées, ce qui est rare. Lorsque j’ai souhaité monter mon entreprise, ma première démarche a été de trouver les responsables de la création d’entreprise de l’APEC.

Ivan LEVAI

Avez-vous été chômeuse préalablement ?

Nadine GAGNIER

Suite à la restructuration de l’entreprise dans laquelle je travaillais, j’ai été en convention de conversion. C’est par cet intermédiaire que j’ai pu trouver, grâce à l’APEC, les bons interlocuteurs.

Ivan LEVAI

Comment avez-vous financé votre projet ?

Nadine GAGNIER

Mon entreprise est une société anonyme, ce qui nécessite donc un capital minimum de 250 000 francs. Je n’ai fait appel à aucune banque pour monter mon entreprise, mais à des apports personnels.

Ivan LEVAI

Avez-vous reçu une aide de la chambre consulaire ?

Nadine GAGNIER

Non. J’ai eu la chance de trouver l’organisme idoine grâce à l’APEC, mais ça a été un hasard. Le problème pour les créateurs est qu’il n’existe pas d’identification claire des réseaux. Lorsqu’on est seul, on ne sait pas où aller ni à qui s’adresser.

Mon entreprise va avoir un an dans quelques jours. Nous sommes trois en CDI et une personne en contrat d’apprentissage.

Ivan LEVAI

Sachant que la moitié des entreprises ne vivent pas plus de cinq ans, êtes-vous inquiète pour l’avenir ?

Nadine GAGNIER

Les périodes difficiles sont nombreuses lorsqu’on crée son entreprise. Il faut savoir les gérer. Outre l’accompagnement en amont, je pense qu’il est également nécessaire d’accompagner les créateurs dans les premiers mois qui suivent la création. Ainsi, après six mois, j’étais déjà contrôlée par l’URSSAF ! C’est tout de même une situation qui n’est pas facile à gérer.

Ivan LEVAI

Monsieur Jourdas, avez-vous été bien accompagné ?

Patrick JOURDAS

Il a fallu que je trouve énormément d’argent pour monter mon entreprise car celle-ci répondait à un projet industriel important. J’ai monté mon entreprise voilà un an. Nous sommes aujourd’hui 20 et j’espère que nous serons près de 400 dans deux ans.

A Brest, j’ai été bien aidé par la pépinière d’entreprise ainsi que par l’ANVAR. Néanmoins, lorsque j’ai présenté mon projet de gestion en temps réel de l’eau à la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI), on m’a rapidement dit que j’étais un doux rêveur. Le parcours a donc été assez délicat.

Aujourd’hui, les banques demandent à entrer en haut de bilan via leur fonds de capital-risque, ce qui prouve l’intérêt qu’elles peuvent avoir pour mon entreprise. Mais les débuts ont été difficiles. Ainsi, je me suis présenté à certaines banques avec un business plan de huit pages. Suis-je coupable d’avoir procédé ainsi ? Je ne le pense pas. En effet, comment savoir, lorsqu’on crée sa première entreprise, comment se construit un business plan ? Heureusement, j’ai eu la chance que l’ANVAR me soutienne. Aujourd’hui, je pense qu’avec un bon business plan, on peut vendre son idée.

Ivan LEVAI

Monsieur Noury, pouvez-vous répondre à Monsieur Besson ?

Jean-Paul NOURY

Lorsque Monsieur Besson dit que l’accompagnement est peu visible ou que l’accueil est inégal dans les CCI, on ne peut que constater que c’est un problème existant pour l’ensemble de notre société. Quelles sont les approches pragmatiques que peuvent avoir les CCI ? Tout d’abord, environ 1 projet sur 5 est accompagné par les CCI. Il y a donc un véritable accompagnement pour ceux qui le veulent, mais le problème est que la visibilité est insuffisante.

Nous essayons de répondre à toutes les formes de projets, et ce avec la vocation de rentrer dans une démarche qualité. Celle-ci est engagée ; elle aura vocation à répondre le plus rapidement possible à ceux qui passeront par notre réseau.

Madame Gagnier disait qu’elle ne savait pas qu’elle pouvait s’adresser aux CCI. Cela montre le problème de visibilité. Par contre, il me semble moins grave qu’une personne ayant un projet soit, comme le soulignait Monsieur Jourdas, considéré comme un doux rêveur. Je crois que ça a dû être le cas de Bill Gates lorsqu’il a présenté son projet.

 

Yvan LEVAI

Mais à ce jour, alors que la nouvelle économie semble avoir été découverte, ne vous précipitez-vous pas vers ce qui est à la mode ?

Jean-Paul NOURY

Non, certainement pas. Ce marché de la nouvelle économie représente moins de 0,05 % de nos actions. Nous voulons accueillir, aider et accompagner tous les créateurs.

Yvan LEVAI

Qui découragez-vous ?

Jean-Paul NOURY

Peut-être que dans certains cas, nous avons découragé des projets. Mais je suis persuadé que nous accueillons tout le monde de la même façon, pour vous parler de la création d’entreprise, pour vous aider en termes d’informations, d’orientations et de financements (pour savoir où sont les possibilités d’obtenir ces financements par exemple). Entreprendre en France a financé ainsi des milliers de dossiers.

Yvan LEVAI

Quelle est votre vision des choses, Monsieur Griset ?

Alain GRISET

Les Chambres de Métiers sont des acteurs essentiels de la création d’entreprise. Elles reçoivent 200 000 porteurs de projets par an, 200 000 personnes qui viennent se renseigner, sans forcément avoir une idée, ni une formation. Ce rôle est capital pour les personnes qui souhaitent devenir artisan. L’accueil, l’information est réalisé par notre réseau. Ensuite, 80 000 créateurs franchissent le pas, dont une partie qui est accompagnée.

Yvan LEVAI

Madame Gagnier nous disait ne pas avoir pensé aux Chambres de Commerce ou de Métiers au début de son parcours. D’où vient cette mauvaise information ?

 

Alain GRISET

Il y a des personnes avec un capital et un projet. Mais, comme je le disais, nous recevons aussi 200 000 personnes sans idée. Les Chambres de Métiers ont donc un rôle de conseil très en amont. Des gens ont besoin d’un premier accueil et d’une information, pour des chômeurs ou des étudiants par exemple.

Yvan LEVAI

Je pense que vous aussi vous découragez certains projets.

Alain GRISET

Si le projet n’est pas viable, nous disons à la personne ne pas créer son entreprise. Notre préoccupation est donc d’accueillir la personne, d’indiquer que tel projet n’est pas mur, et d’orienter la personne vers des acteurs spécialisés pour lui permettre de créer six mois après un projet qui tient la route. Il faut avoir une volonté de création et de création pérenne.

Yvan LEVAI

Le rôle des collectivités dans l’accueil sera notre prochain thème de discussion, d’autant que les élus, confrontés au problème de l’emploi, prennent à bras le corps la problématique de la création d’entreprise.

Jean-Jacques JEGOU

Le plus important est d’avoir un tissu local permettant la création d’entreprise, d’autant qu’un créateur vient souvent voir sa Mairie dès le départ. La collectivité peut alors, non pas juger de la validité du projet, mais mettre l’accent sur les points à renforcer, la faisabilité du plan d’affaires, de vérifier la volonté de la personne, pour lui indiquer ensuite les possibilités. En outre, les collectivités ont un rôle à jouer en matière de locaux. Nous disons tout à l’heure que les créateurs ne savaient pas forcément où créer. L’on pense à un appartement, au pavillon des parents… Parfois, nous rappelons à un jeune créateur les règles applicables pour la localisation de l’entreprise. Les créateurs qui n’ont pas de locaux dans leur région sont confrontés à de grandes difficultés. C’est dire l’aide apportée par les prestations de services communes, ou par les locaux à des prix compétitifs dans des pépinières d’entreprises.

Yvan LEVAI

Mais l’élu doit avoir tendance à dire au créateur de venir dans sa pépinière. Quelle est en la matière l’expérience de nos entrepreneurs ?

Patrick JOURDAS

Au départ, c’est la pépinière d’entreprise de Brest, qui dépend de la Communauté Urbaine, qui a mis à notre disposition 12 m2.

Jean-Jacques JEGOU

La Communauté Urbaine, ce sont les élus. Comme quoi nous ne sommes pas encore totalement identifiés et nous devons tous faire des efforts de communication !

Nadine GAGNIER

Je voulais avoir mes propres locaux dès le départ. J’ai donc apporté suffisamment de capital dès le départ. Mais si j’avais souhaité faire partie d’une pépinière, je crois que les réseaux auraient été une source d’information non négligeable. Le créateur, grâce notamment aux Boutiques de Gestion, dispose de tous les renseignements utiles (locaux, financement….). Ces réseaux ont les bons outils, ce même s’ils manquent de moyens.

Patrick JOURDAS

Le fait de trouver des locaux dans la pépinière n’est pas seul en cause. La pépinière dispose en effet d’infrastructures utiles, comme le fax ou le téléphone au départ, et des personnes qui vous accompagnent et qui vous aident.

Yvan LEVAI

Nous poursuivons notre discussion. Je voudrais que l’on examine la suite de l’aventure et donc que nous entendions Monsieur Mulliez, dont le pari est connu : une entreprise bien gérée qui a des produits de qualité a tous le atouts pour être et devenir une grande entreprise.

André MULLIEZ

Nous avons parlé de rencontres entre créateurs et organismes. Pour ma part, j’ai bâti notre réseau sur des rencontres entre personnes. Il faut d’abord manifester de l’estime à la personne qu’on rencontre, y compris lorsqu’on lui dit de ne pas continuer l’aventure. En effet, la première qualité d’une entreprise dépend de la qualité de son dirigeant. Ensuite, il faut prendre en compte l’adéquation entre produits et cibles de clientèles.

Plus globalement, l’accompagnement se décompose en plusieurs étapes. Premièrement, 6 ou 9 mois avant le lancement proprement dit, nous examinons le projet, grâce notamment à nos experts, qui sont des entrepreneurs qui ont réussi, dans ses cotés financiers, humains et autres. L’accompagnement se poursuit durant 2 ou 3 ans, pour rompre le stress et la solitude de l’entrepreneur. Il faut en outre conseiller le dirigeant, pour qu’il ne regarde par uniquement son chiffre d’affaires mais aussi le compte d’exploitation. Chaque mois, par le biais d’un club, nous faisons se rencontrer les créateurs de l’année afin de partager les expériences.

Tous ceux qui rentrent dans ce système sont membres du réseau et deviennent des accompagnateurs. Nous ne voulons pas cocooner les entrepreneurs mais les aider. Ils ont d’ailleurs des parrains.

Yvan LEVAI

La création d’entreprise est-elle une affaire d’Etat, comme le disait Madame Lebranchu ?

André MULLIEZ

C’est une affaire de la nation. En d’autres termes, nous ne sommes pas trop, ensemble, pour travailler. Si nous voulons que des personnes rencontrent réellement des personnes, l’idéal est que le citoyen soit présent et donc que les chefs d’entreprise prennent un peu de leur temps pour l’accompagnement et qu’ils y consacrent des ressources financières. L’Etat pourrait le cas échéant abonder ces efforts.

Ivan LEVAI

Martine Aubry, pouvez-vous réagir aux différents propos ? Pour vous, la création d’entreprise est-elle une affaire d’Etat ?

Martine AUBRY

La création d’entreprise est évidemment une affaire pour l’Etat. Son rôle majeur est d’abord de faire en sorte que l’environnement économique soit bon et facilite ainsi la création d’entreprise.

Je partage ce qu’a dit Eric Besson : ceux auxquels on peut penser pour faciliter la création d’entreprise – banques, Chambre de Commerce et d’Industrie, etc. – ne sont pas au rendez-vous. Heureusement, des réseaux existent. Je pense par exemple à l’ADIE, à Entreprendre en France, aux Boutiques de Gestion… Je pense que ces réseaux ont la bonne philosophie : des hommes et des femmes de terrain, capables d’apporter une aide, une formation, des conseils, voire des hommes et des femmes compétents. L’Etat agit au travers de ces réseaux. Ainsi, la quasi-totalité du budget de l’ADIE est publique.

Il nous est apparu essentiel que l’ANPE s’intéresse à la création d’entreprise, bien évidemment en partenariat avec les réseaux existants. Désormais, l’ANPE accueille et suit un chômeur qui souhaite créer son entreprise. Un kit de documentation a même été réalisé pour que le chômeur sache à qui s’adresser, quelles démarches effectuer, comment monter un projet, comment établir un résultat d’exploitation, etc. Il faut être clair : chacun ne peut pas monter son entreprise. Toutefois, il faut s’assurer que ceux qui le souhaitent puissent le faire.

Ivan LEVAI

Ne pensez-vous pas que certaines personnes créent leur entreprise parce qu’elles n’arrivent pas à trouver d’emploi ? Monsieur Barre avait incité voilà quelques années les chômeurs à créer leur entreprise. Pensez-vous que ce soit la solution ?

Martine AUBRY

Non, comme je le disais précédemment, chacun ne peut monter son entreprise. Toutefois, il ne faut pas oublier que 40 % des entreprises sont créées par des demandeurs d’emplois, et que ces entreprises ont le même taux de réussite que celles qui sont montées par des personnes qui ne sont pas au chômage. C’est donc une population à laquelle il convient de s’intéresser.

Pour faciliter la création d’entreprise, certaines mesures doivent être prises. Il faut aller au-delà de la baisse des cotisations qui a déjà été décidée. Ainsi, avec l’appui du Ministère de l’Economie, nous allons prendre les mesures suivantes : aucune cotisation ne sera demandée avant que l’entreprise n’ait au moins trois mois d’existence et les cotisations seront en diminution de 15 % la première année et de 20 % la seconde.

L’Etat doit remplir, à son niveau, le même rôle que les collectivités locales. Je n’ai pas une vision complètement négative des chambres de commerce, mais je pense qu’elles ne sont pas assez investies dans les créations d’entreprise. Je n’ose même plus parler des banques ; leur manque d’implication est un véritable scandale, tout comme d’ailleurs leur accompagnement des petites entreprises !

Je crois que l’épargne salariale est une piste que nous devons creuser. Les Français seront sans doute heureux, par un placement apparenté, pour simplifier, à des SICAV, de contribuer à la création d’entreprise et au développement local. Aujourd’hui, contrairement à l’Italie, nous ne savons pas le faire en France.

Ivan LEVAI

Aux Etats-Unis, une personne voulant monter son entreprise trouve assez facilement de l’argent avec un bon business plan. Ensuite, l’administration ne lui tombe pas dessus dès que son entreprise est créée. Enfin, il n’y a quasiment pas de paperasserie. Qu’en pensez-vous ?

MARTINe AUBRY

Ce que vous décrivez est une réalité dont nous sommes conscients et que, pour certains côtés, nous envions. De plus, lorsqu’une personne ayant créé une première entreprise échoue et tente de nouveau sa chance, elle est plutôt bien vue. C’est totalement l’inverse en France.

Concernant la paperasserie, je souhaite vous dire qu’elle a déjà été bien simplifiée. Il est possible aujourd’hui de créer son entreprise en 24 heures en France. Monsieur le Premier Ministre y reviendra d’ailleurs tout à l’heure.

Alain GRISET

Les chambres de métier partagent tout à fait ce souci de simplification des démarches administratives. Le travail que nous faisons actuellement avec les ANPE va d’ailleurs dans ce sens.

Ivan LEVAI

Les Boutiques de Gestion font partie des réseaux qu’évoquait Martine Aubry. Compensez-vous les carences des banquiers ?

Jean-Paul SOLARO

Le Réseau des Boutiques de Gestion est indépendant, constitué d’initiatives locales. Les 400, et bientôt 500, personnes qui y travaillent sont à l’entière disposition des créateurs d’entreprise, notamment des petites entreprises qui ne sont pas des start-up mais qui forment le tissu industriel.

Une fois qu’on a validé le projet, l’enjeu de l’accompagnement est bien de l’aider à réussir. Il est certain qu’une personne bien accompagnée a plus de chance de réussir qu’une autre. Le conseil en création d’entreprise est un véritable métier, particulièrement difficile car la qualité de il repose sur la qualité des relations entre les créateurs et les accompagnateurs. Là est la difficulté. Quelle que soit la situation des personnes désirant monter leur entreprise, des docteurs en université aux chômeurs, nous devons faire un travail important pour leur expliquer comment monter un projet.

Ivan LEVAI

Avez-vous un exemple à nous citer sur une action menée ?

Jean-Paul SOLARO

Un salarié, autodidacte, travaillait dans une petite entreprise de mécanique. Il souhaitait monter son entreprise. Aujourd’hui, il est à la tête d’une société de 200 personnes qui vend dans toute l’Europe. Autre exemple : un verrier à qui nous avons inculqué quelques règles de base pour pouvoir vivre de son art. Aujourd’hui, il intéresse de plus en plus de galeries. Nous avons de très nombreux exemples de ce type.

Yvan LEVAI

Venons-en au rôle de la Caisse Sociale de Développement Local.

François-Xavier BORDEAUX

C’est une petite banque qui travaille sur Bordeaux. Il y a deux ans, nous avons constaté qu’une personne isolée n’avait pas accès au crédit. Nous avons donc décidé d’intervenir sur le moyen terme, avec des prêts de 20 à 50 000 francs. Nous accueillons les personnes et travaillons sur leur prévisionnel. Récemment, nous avons par exemple repris le prévisionnel de deux jeunes qui voulaient créer une librairie de voyages, et dont les tableaux comptables ne comportaient pas les stocks. Comme banque, nous étions également soumis à la critique relative à l’efficacité. Nous avons donc fait des efforts. Une personne qui vient chez nous sait donc qu’elle pourra repartir de chez nous avec un chèque au bout d’une semaine ou de dix jours.

La critique est facile mais pour les banquiers, les risques du moyen terme sont indéniables. Nous avons donc travaillé avec un spécialiste de ces risques. De plus, comme nous n’avons pas de garantie, nous avons mis en place une double instruction : regard technique et regard humain/social. Notre comité de crédit met donc l’accent sur le coté technique et financier du dossier mais aussi sur la personne, son parcours, sa volonté. Coté accompagnement, la banque dispose enfin d’un réseau.

Yvan LEVAI

Faites-vous du secourisme social ou voulez-vous rentrer dans vos fonds ?

François-Xavier BORDEAUX

Nous traitons des populations qui n’ont pas accès à la banque, en faisant du crédit comme les autres banques. Nous avons un taux d’échec de 5 %, ce qui est faible. Nous avons du trouver des solutions inventives. Ainsi, concernant le coût de la comptabilité pour une entreprise, qui peut représenter 10 000 francs, soit le tiers de notre crédit, nous avons mis en place un packaging et une offre adaptée dans nos produits. Les comptables partenaires de l’établissement travaillent pour des sommes trois fois moindres.

Yvan LEVAI

Martine Aubry parlait de scandale en mentionnant les banques.

Martine AUBRY

Le métier de banquier est un métier du risque. Dès lors, on change de métier si l’on refuse de prendre des risques !

François-Xavier BORDEAUX

Je supporte de moins en moins ce qui est dit sur la nouvelle économie. La nouvelle économie, c’est nous aussi. Quand le marché ne peut pas répondre à un problème, nous trouvons des solutions, en nous fondant sur les personnes, leur dignité, leur volonté de se redresser. Voilà un vrai message.

Nadine GAGNIER

Je voulais revenir sur les relations entre créateur et banques. Ces relations peuvent être difficiles, c’est évident. Pour ma part, avec un dossier très complet, j’ai visité 5 ou 6 banques et peu ont pris le temps de regarder ce dossier et de m’écouter. Le créateur a pourtant besoin des banques. Celles-ci ne prennent pas les risques qu’elles devraient prendre. Mais les banques sont très actives quand les premiers bénéfices arrivent et quand l’entreprise commence à bien fonctionner.

Yvan LEVAI

Vous nous dites tous que le plus important, c’est l’homme. Retrouvons-nous ici l’économie solidaire ?

Eric BESSON

Trois petites remarques tout d’abord. Merci à Martine Aubry d’avoir réhabilité le chômeur créateur. Deuxièmement, les dispositifs américains sont intéressants et pragmatiques. Enfin, concernant l’accompagnement, je voudrais exprimer un souhait : nous devons favoriser l’accessibilité et la lisibilité pour les créateurs. Parlons donc non d’un guichet unique mais d’un lieu unique, où pourraient se retrouver les acteurs de la création d’entreprise. Actuellement, l’accès à l’information peut être un moyen de sélection. Cela n’est pas acceptable. Je plaide donc pour cette simplification et cette unification, ce qui permettrait au passage d’offrir des carrières aux militants du développement local.

Je voudrais également rendre hommage à Madame Lebranchu. Sans elle, ces Etats Généraux n’auraient pas eu lieu. Les annonces du Premier Ministre devront sans doute beaucoup à son opiniâtreté !

Jean-Jacques JEGOU

Je voulais revenir sur les propos d’Eric Besson. Nous avons beaucoup parlé de l’homme et des rencontres entre individus. Je ne voudrais pas défendre la boutique des élus locaux mais les collectivités locales sont bien la place par excellence de ces contacts et de cette proximité. La loi de juillet 1999, qui renforce les communautés de communes, accentuera en outre cette dimension et permettra d’attirer les créateurs dans les régions. Nous sommes certes dans un pays encore très compartimenté et nous devons poser les uns et les autres nos rancœurs et nos paquets pour travailler ensemble, véritablement de concert. Nous bénéficions en outre d’une exceptionnelle reprise économique. Pourtant, nous sommes le pays qui crée le moins d’entreprise. Nous retrouvons ici la dimension culturelle. Le rôle des collectivités locales est aussi de se tourner vers les quinquagénaires qui sont perdus mais qui ont une vraie compétence de l’entreprise, un réel potentiel de création.

André MULLIEZ

Parlons-nous des chômeurs créateurs ou du manque d’emploi en France ? Nous devons créer des employeurs si notre problème est celui du manque d’emploi. Il ne faut pas se préoccuper seulement des chômeurs créateurs mais aussi des PME qui construiront 10 ou 20 emploi dans les prochains mois.

Il n’y pas mieux que les chefs d’entreprise pour accompagner de nouveaux entrepreneurs. Depuis ces Etats généraux, je lance un appel aux 2 millions de chefs d'entreprise.
Venez donc aider gratuitement les entreprises. Vous en serez remerciés de deux manières : vous aurez fait grandir l’homme, et vous aurez à répondre à un tas de questions candides, qui sont autant de remises en cause !

Jean-Paul NOURY

Avons-nous envie de travailler ensemble ? Entreprendre en France, qui a vocation à devenir une Fédération, est certainement le meilleur terrain pour cela ! Je fais enfin une suggestion : copier la small business adminisration des Etats-Unis, qui aide notamment les femmes créateurs d’entreprise.

Martine AUBRY

Je crois que les messages exprimés par les différents intervenants sont clairs. Tout d’abord, il faut que nous continuions à mieux identifier l’accueil. La proposition de Monsieur Besson d’avoir un seul centre d’accueil pour un territoire me semble bonne, et ce quel que soit le réseau choisi. Je regrette que nous n’ayons pas eu le temps d’évoquer les différentes aides accordées aux personnes disposant de minima sociaux. Je souhaite qu’elles ne soient pas oubliées. Il faut sans doute encore baisser le coût de la création d’entreprise, notamment sur la première année. Je crois savoir que le Premier Ministre y reviendra cet après-midi.

Enfin, je voudrais faire un appel. Je me bats depuis 1991 sur un sujet essentiel pour les jeunes entreprises : la déclaration unique pour les cotisations des salariés. Nous butons sur le fait que les organisations patronales n’arrivent pas à se mettre d’accord. Si nous voulons aider les jeunes entreprises, donnons leur la possibilité de ne remplir qu’un seul dossier pour les salaires. Je vous remercie de m’avoir permis de lanc

Ont participé à cette table ronde :

Marylise LEBRANCHU, Secrétaire d’Etat aux Petites et Moyennes Entreprises, au Commerce, à l’Artisanat et à la Consommation

Philippe er cet appel ; j’espère qu’il sera entendu.

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