2.- AUDITION DE M. JEAN LAMBERT, CHEF DU GROUPE NATIONAL DE CONTRÔLE DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE AU MINISTÈRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITÉ

(Extrait du procès-verbal de la séance du jeudi 1er avril 1999)

Présidence de M. Philippe Auberger, Président

A l'invitation du Président, M. Jean Lambert est introduit. Le Président lui rappelle les règles définies par la mission pour la conduite des auditions : pas d'exposé introductif, échange rapide des questions et des réponses. Il donne ensuite la parole, pour une première question, à M. Jacques Barrot, rapporteur spécial de la commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan sur les crédits de la formation professionnelle.

 M. Jacques Barrot, rapporteur spécial : Quel est le rôle exact du Groupe national de contrôle et quels sont les moyens dont il dispose ? Quelles sont la méthode et la fréquence des contrôles des organismes paritaires ? Nous avons acquis le sentiment que les tailles et les organisations des OPCA sont très diverses. J'imagine que cette diversité ne favorise pas le contrôle.

 M. Jean Lambert : Le Groupe national de contrôle (GNC) est placé sous l'autorité de la Déléguée générale à l'emploi et la formation professionnelle. C'est une unité de quatorze personnes, dont quatre sont habilitées à opérer des contrôles sur le terrain.

 Le GNC exerce, d'une part, une fonction d'animation et de coordination de l'activité des vingt-deux services régionaux de contrôle, qui peut prendre la forme de circulaires, de réponses aux questions des services régionaux de contrôle ou d'assistance technique à des contrôles susceptibles de créer des difficultés particulières.

 Il exerce, d'autre part, le contrôle des OPCA (organismes paritaires collecteurs agréés) à compétence nationale, c'est-à-dire essentiellement les organismes de branches issus de la réforme de 1993.

 Accessoirement, le chef du GNC est appelé à représenter la Déléguée à l'emploi et à la formation professionnelle auprès des deux organismes de péréquation, le COPACIF et l'AGEFAL. Ces deux organismes figurent également dans le champ de contrôle du GNC, mais les règles applicables aux OPCA ne sont, juridiquement, que partiellement transposables au COPACIF et à l'AGEFAL. Dans la pratique, les comportements comptables et financiers des deux organismes sont strictement calés sur ceux des OPCA.

 M. Philippe Auberger, co-président : Au niveau régional, quelle est l'importance des structures de contrôle ?

 M. Jean Lambert : Il existe vingt-deux services régionaux de contrôle, un par région, pour un effectif global d'environ 140 agents, dont un peu plus d'une centaine remplit une mission de contrôle.

 Le contrôle revêt deux modalités : le contrôle sur pièces par exploitation des documents que les entreprises - comme les organismes de formation - doivent fournir pour permettre de vérifier qu'elles se sont bien acquittées de leur obligation de financement, que l'argent est effectivement dépensé à seule fin d'assurer des formations aux salariés de ces entreprises.

 Les services régionaux suivent et contrôlent l'activité des organismes régionaux, les FONGECIF, gestionnaires du congé individuel de formation, et les OPCAREG, organismes interprofessionnels régionaux, compétents en matière de plan de formation et de formation en alternance.

 Lorsqu'on rapporte le nombre de personnes physiques ou morales assujetties au contrôle aux effectifs qui y sont consacrés, l'on ne peut guère envisager un taux de contrôles très élevé. Cela dit, le milieu de la formation professionnelle est très fermé - l'expression ne veut pas être péjorative - et les démarches recherchant l'exemplarité sont en général payantes.

 Selon les derniers chiffres en ma possession, 3.000 contrôles sur le terrain ont été effectués en 1997, non compris les contrôles sur pièces qui peuvent se limiter à la simple lecture du bilan. Le montant des redressements consécutifs au contrôle a été de 150 millions de francs en 1997 ; il ne devrait pas être sensiblement différent en 1998. De ce montant de redressements, j'exclus les démarches entreprises par le GNC et les services régionaux de contrôle pour stimuler la remontée spontanée des excédents vers l'AGEFAL et le COPACIF.

 M. Philippe Auberger, co-président : Le contrôle porte-t-il uniquement sur les recettes ou simultanément sur les dépenses ?

 M. Jean Lambert : Il ne porte que sur les dépenses. Il serait souhaitable qu'il porte, dans le même temps, sur les recettes qui peuvent en effet être volontairement minorées, avec un résultat équivalent à celui du gonflement des dépenses.

 Cela étant, il convient de noter une avancée jurisprudentielle consécutive à une initiative prise par les services à l'occasion du contrôle du FONGECIF Ile-de-France. Selon une démarche novatrice, les contrôleurs ont assimilé le fait de conserver de l'argent à une dépense irrégulière. Juridiquement, nous étions dans un certain brouillard, dans la mesure où cette approche n'était confortée ni par la doctrine ni par la jurisprudence. A notre satisfaction, nous avons obtenu confirmation de la validité de l'analyse par un jugement du Tribunal administratif de Paris qui a consolidé le redressement de 392 millions de francs infligé au FONGECIF Ile-de-France au motif qu'il avait thésaurisé excessivement les fonds.

 M. Jean-Jacques Jegou : Vous avez évoqué cent quarante personnes, dont cent qui ne feraient que du contrôle. Que font les autres ?

 M. Jean Lambert : Les autres agents sont soustraits au contrôle pour fournir un appoint à la gestion des dispositifs emploi et formation professionnelle mis en _uvre dans le cadre du plan d'activité des directions régionales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle. L'effectif de 140 reste notoirement insuffisant. Il traduit cependant une amélioration sensible : en 1993, avant la réforme, l'on pouvait estimer à 50 ou 60 le nombre des agents s'occupant des dispositifs destinés aux jeunes, notamment PAQUE. Grâce aux efforts conjugués des parlementaires et du Gouvernement, les effectifs ont pu être réaffectés à leur destination initiale.

 M. Jean-Jacques Jegou : Je me souviens de ce débat !

 Vous avez évoqué 3000 contrôles sur place. Pouvez-vous retracer un contrôle type et indiquer les principaux motifs de redressement ?

 M. Jean Lambert : Il faut distinguer le contrôle auprès des entreprises du contrôle des organismes de formation.

 Le contrôle, dans une entreprise, a pour objectif de vérifier qu'elle a bien acquitté l'obligation légale de consacrer 1,5 % de la masse salariale (pour les entreprises de dix salariés) à la formation professionnelle, soit par un versement à un OPCA, soit par dépenses directes. Ensuite, nous nous assurons que les dépenses invoquées en justification de l'obligation sont bien des dépenses de formation professionnelle destinées aux salariés de l'entreprise. Le travail d'examen correspondant peut être plus ou moins étendu selon la bonne foi apparente de l'entreprise. Dès lors, déterminer une durée moyenne de contrôle n'a pas grand sens : elle peut aller de quinze jours, en englobant les interventions sur place, à six mois ou plus selon la complexité de l'affaire et le degré de collaboration des responsables de l'entreprise vérifiée.

 Auprès des organismes de formation, il s'agit de s'assurer que l'argent reçu des entreprises, de l'État ou de l'Union européenne au titre de la formation professionnelle, a bien été dépensé à ce titre. Les services de contrôle sont amenés à rejeter des dépenses qui ne sont pas directement liées à une action de formation telles que - illustration caricaturale - l'achat de fleurs pour décorer les locaux. De même, les voyages d'étude dans des pays ensoleillés sont le plus souvent rejetés, car le responsable de l'organisme de formation éprouve le plus grand mal à établir un lien direct et nécessaire entre le voyage et la prestation de formation assurée sur les fonds de la formation professionnelle.

 M. Jérôme Cahuzac : Tous les organismes de formation sont tenus de fournir un bilan pédagogique et financier chaque année. Sont-ils contrôlés et, si oui, avec quelle périodicité moyenne ? Puisque vous êtes membre du conseil d'administration de l'AGEFAL pouvez-vous démontrer que ces contrôles ont eu des conséquences - certes, directement, par la récupération de sommes, mais aussi de manière préventive ?

 M. Jean Lambert : Sur les 59.000 organismes de formation déclarés en 1997, seuls 42.000 ont eu une activité et seulement 6.500 organismes réalisent un chiffre d'affaires de plus d'un million de francs. La loi précise qu'un organisme de formation qui ne produit pas, deux années de suite, son bilan pédagogique et financier ou qui annonce une activité zéro perd le bénéfice de sa déclaration et n'a plus la possibilité d'assurer des actions de formation financées par la contribution obligatoire des entreprises.

La fréquence des contrôles n'est pas calculée, mais, avec 59 000 organismes de formation et 140 agents, sans doute est-il préférable de s'abstenir de procéder à ce calcul.

 M. Jérôme Cahuzac : La périodicité est séculaire !

 M. Jean Lambert : Les organismes qui réalisent plus d'un million de francs de chiffre d'affaires sont vérifiés plus fréquemment. Je vous fournirai les données.

 M. Jérôme Cahuzac : Quelles sont les conséquences d'un éventuel contrôle positif sur les décisions de l'AGEFAL ?

 M. Jean Lambert : Je représente le commissaire du Gouvernement au conseil d'administration de l'AGEFAL, aux travaux duquel je participe assidûment. J'ai surpris les propos tenus tout à l'heure par M. Loffredo, lequel a souligné que l'aspect qualitatif n'était pas un élément déterminant ! En fait, la qualité est un objectif, non un critère mis en oeuvre actuellement. Pour les services de contrôle, il en va de même, la loi ne permettant pas de fonder une sanction sur la mauvaise qualité de l'activité de formation.

 M. Didier Migaud, rapporteur général : Vos propos donnent à entendre qu'un contrôle est assuré ; ils sont en complet décalage avec notre impression d'une extrême faiblesse du dispositif de contrôle, impression confirmée dès que l'on entre dans le vif du sujet. Que répondez-vous à cette appréciation de la réalité ? A la lecture des observations très critiques que la Cour des comptes a faites sur un certain nombre d'organismes dont l'AFPA qui entre aussi, d'une certaine façon, dans votre champ de contrôle, l'on est effaré de constater que l'État ne se donne pas les moyens d'un contrôle suffisant, alors que le retour serait assez important si le contrôle était effectué et des sanctions prises.

 Par ailleurs, vérifiez-vous le « juste prix » de la prestation ? Dispose-t-on d'éléments de comparaison entre organismes ? On a là le sentiment qu'il y aurait beaucoup à "gratter". Les prix offerts sont très élevés. Vraisemblablement, les prix demandés représentent beaucoup plus que le service offert.

M. Jean Lambert : Comme ceux de pratiquement tous les produits et services, les prix des prestations de service de formation sont libres depuis 1986. Ils sont déterminés par le jeu de l'offre et de la demande. En matière de formation professionnelle, lorsque l'État est client, il exerce son droit contractuel d'encadrement des prix, dans le cadre de la régulation de la commande publique. Pour les formations assurées dans le cadre de l'alternance, la régulation est fixée par le législateur lui-même, qui fixe à soixante francs le prix maximal d'une heure de formation. Pour les entreprises et surtout pour les OPCA, il s'agit alors de jouer sur l'offre pour que ce forfait ne soit pas assimilé à un minimum de variation, non discutable. Certains OPCA cherchent à pratiquer l'encadrement des prix. Concrètement, de nombreuses formations sont assurées pour un coût inférieur à soixante francs. C'est le cas dans la métallurgie où l'OPCAIM négocie actuellement sur la base de quarante francs de l'heure. Il est vrai que l'OPCAIM est l'un des plus gros OPCA et que son volume de commandes lui permet de disposer d'une force de négociation.

 En matière d'actions mises en oeuvre au titre des plans de formation, la liberté totale règne. Certes, le droit en vigueur permet théoriquement de sanctionner les prix manifestement abusifs. Mais la notion de prix manifestement abusifs suppose que l'on isole un prix par rapport à d'autres ; or si tous les prix sont élevés il n'en est plus d'abusifs!

 M. Didier Migaud, rapporteur général : Existe-t-il des éléments de comparaison ? Un rapport coût-efficacité est-il calculé ? Au travers des dépenses de formation professionnelle, ne finance-t-on pas autre chose ?

 Que répondez-vous lorsqu'on exprime le sentiment d'une absence de contrôle réel de l'État en la matière ?

 M. Jean Lambert : L'on ne peut conclure à une absence complète de contrôle de l'État. Sans doute, le contrôle est-il insuffisant, mais le grand principe est que la gestion des fonds de la formation professionnelle, à l'exception toutefois des crédits d'État, est confiée aux partenaires sociaux ; ainsi a-t-on considéré jusqu'à présent que le contrôle social devait être premier.

 M. Didier Migaud, rapporteur général : C'est là une vieille histoire !

 M. Jean Lambert : Certes, mais toujours d'actualité.

 Le contrôle proprement dit, relève, lui, de mes attributions ; j'ai pris mes fonctions le 1er avril 1993, il y a six ans ; j'ai pu constater que des contraintes nouvelles, notamment celles qu'a introduites la loi quinquennale, ont permis des progrès sensibles qu'il convient de souligner, même si l'on est loin d'avoir atteint l'autre rive.

 Sans doute, les effectifs restent-ils insuffisants, mais l'activité de contrôle a eu des suites significatives. Si, en exécution de la volonté du législateur, le COPACIF et l'AGEFAL ont pu verser trois milliards et demi de francs sur deux exercices, c'est parce que les organismes de contrôle ont veillé à la remontée aux deux organismes de péréquation des fonds excédentaires détenus par les organismes collecteurs !

 M. Raymond Douyère : Faites-vous régulièrement des séances de reporting auprès de votre ministre ?

 M. Jean Lambert : Par l'intermédiaire de la Déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle, la ministre est réputée suivre l'activité des services de contrôle. En outre, nous lui transmettons un rapport annuel d'activité.

 M. Raymond Douyère : Mais vous n'avez pas de contacts directs avec votre ministre ?

 M. Jean Lambert : Non, d'autant plus que, désormais, la formation relève davantage des attributions de Mme Nicole Péry. Je n'ai pas un rang hiérarchique suffisant pour aller plus avant dans cette approche.

 M. Philippe Auberger, co-président : En dehors de stages linguistiques, existe-t-il, à votre avis, des dépenses professionnelles justifiant réellement des voyages à l'étranger ?

 Quelle est la réglementation exacte des placements des OPCA ? Certaines d'entre elles sont propriétaires d'immeubles ou placent librement leur argent à la banque, voire sur des marchés risqués, tels le MATIF ou les produits dérivés.

 M. Jean Lambert : Pour les stages à l'étranger, il convient de distinguer l'étranger au sens large et l'Union européenne. Ne sont imputables, parmi les stages qui se déroulent à l'étranger, que ceux qui n'ont pas d'équivalent au sein de l'Union européenne. Cette procédure est strictement suivie et sa méconnaissance se traduit par le rejet des dépenses invoquées. Pour renforcer le dispositif, on a, de plus, prévu, il y a une dizaine d'années, que le stage n'est imputable que s'il a reçu l'autorisation préalable des services de contrôle de la formation professionnelle. L'exemple le plus courant est celui des pilotes qui se recyclent aux États-Unis ; fort classiquement, l'administration accepte les dépenses correspondantes, l'imputation ne portant, en tout état de cause, que sur les dépenses de formation et d'hébergement, non sur le déplacement.

 A l'intérieur des frontières de l'Union, il n'est plus possible de refuser un stage dans un autre pays au prétexte qu'il pourrait être assuré en France.

 En ce qui concerne le parc immobilier des OPCA, un contrôle est assuré, afin qu'en application de la législation un OPCA ne détienne que les biens immobiliers strictement nécessaires à l'exercice de son activité. La loi pose le principe de l'interdiction de tout parc et les vérifications sont opérées régulièrement. J'ai en tête deux organismes mis en demeure sous menace de redressement de procéder à la vente des immeubles non directement nécessaires à leur activité, de façon à réintégrer les produits dans les moyens de financement de l'organisme. Je ne vous livrerai pas leur nom. Je l'aurais dit devant une commission d'enquête parlementaire.

 M. Philippe Auberger : Et sur les autres placements financiers ?

 M. Jean Lambert : La loi est très claire : les fonds disponibles ne peuvent être placés que sous réserve de conserver leur caractère liquide. Tout placement hasardeux ou de longue durée est prohibé. C'est d'ailleurs sur de telles considérations que l'on avait pensé, à juste titre, que le comportement du FONGECIF Ile-de-France était anormal. En effet, ses fonds étaient placés en valeur pierre, dont la liquidité était douteuse, puisque ce n'était rentable, ou du moins le gain ne pouvait être réalisé, qu'au terme de cinq ans. L'organisme aurait eu du mal à liquidifier rapidement et sans pertes ses valeurs placées.

 Plusieurs autres organismes ont fait l'objet des mêmes procédures et de redressements avec reversement au Trésor public de la valeur des placements financiers irréguliers, c'est-à-dire des placements de longue durée à caractère spéculatif.

 Il faut admettre que ce sont là des cas en nombre limité.

 M. Jacques Barrot, rapporteur spécial : Il me semble distinguer trois dimensions du contrôle.

 Le contrôle, d'abord, ce que fait l'entreprise des versements obligatoires auxquels elle est tenue. Il devra prendre la forme d'une négociation dans l'entreprise conformément aux règles d'une bonne démocratie sociale, entre l'employeur et les salariés grâce à leurs représentants au comité d'entreprise. Je ne vois pas pourquoi l'État serait chargé de ce contrôle, même si les effectifs et l'efficacité de la mission ont été accrus depuis l'arrivée de M. Lambert, à qui je rends hommage.

 Je conçois, à ce premier niveau, la mission de contrôle comme une instance d'appel.

 La seconde forme de contrôle porte sur ceux qui assurent la formation.

 Je dois rappeler, à cet égard, à Jérôme Cahuzac que la portée des taux de contrôle qu'il a calculés doit être relativisée car, parmi les 60.000 organismes de formation recensés, certains sont de toute petite taille. Sur le fond, je me demande s'il ne conviendrait pas que le législateur intervienne, non pour rigidifier l'offre, mais pour la labelliser. Certaines de nos entreprises connaissent des labellisations de type « ISO ». Pourquoi n'appliquerait-on pas aux organismes des labellisations de ce type, qui permettraient un allégement des contrôles ?

 Reste le contrôle des OPCA sur lequel portaient les questions de Philippe Auberger à l'instant.

 Selon un discours sous-jacent, qui n'est sans doute pas sans un certain fondement, la démocratie sociale serait financée, en partie, par le biais des OPCA. Autrement dit, des OPCA bénéficient de postes soi-disant rattachés à la formation professionnelle alors qu'ils servent en réalité à financer le fonctionnement du monde syndical ou patronal. La France a doté la vie politique d'un financement public ; elle ne l'a pas fait, à ma connaissance, de manière claire pour la vie syndicale et professionnelle, ce qui pose un vrai problème. C'est pourquoi je ne soulève pas la question en termes d'accusation. Je demande simplement : disposez-vous des moyens de savoir si l'encadrement des OPCA correspond à leurs tâches ou si l'organisation de certaines OPCA est manifestement surdimensionnée parce qu'elle est sollicitée pour d'autres tâches - louables au demeurant, mais qu'il conviendrait de financer d'autre manière ? Pardonnez mes propos quelque peu brutaux, mais tel est notre rôle.

 M. Jean Lambert : A titre personnel, j'adhère tout à fait aux deux premiers développements de votre analyse, en d'autres termes à la nécessité d'une réalisation concrète du « contrôle social » au niveau de l'entreprise et de la gestion des OPCA.

 En ce qui concerne les dérives possibles de l'emploi des fonds, notamment de la collecte des OPCA, des indices permettaient, par le passé, de conclure dans le sens de votre propos. Toutefois, prévalaient une tolérance, une ambiguïté, parce qu'il est incontestable que le fonctionnement paritaire d'un organisme a un coût. Or le droit de la formation professionnelle ne prévoyait pas la possibilité de prendre en compte un tel coût. Entre l'emploi nécessaire d'une personne et la dérive de ce même emploi s'immisce un élément de subjectivité difficilement contrôlable, ce que l'on note dans toutes les affaires dites « d'emplois fictifs », qui appellent des instructions longues, difficiles et délicates. Soit, au sein d'un OPCA, une personne figurant dans l'organigramme en qualité de démarcheur auprès des entreprises pour placer les contrats en alternance : il faudrait en permanence un contrôleur derrière cette personne pour savoir si elle fait la promotion des contrats en alternance ou la promotion de l'organisation syndicale ou professionnelle animatrice de l'OPCA.

 En raison de ces difficultés, des règles précises ont été édictées. Elles prévoient l'affectation à la couverture des frais de fonctionnement du paritarisme de 1,5 % des sommes collectées par les OPCA au titre de la formation professionnelle à la couverture des frais de fonctionnement du paritarisme, pourcentage lui-même fractionné en deux parts de 0,75 % chacune. La première part est versée par chaque OPCA à un organisme national, le FONGEFOR, chargé de gérer la cagnotte de couverture des frais de fonctionnement du paritarisme ; la seconde part est consacrée par chaque OPCA à la couverture de ses frais internes au même titre. La réglementation prévoit que ces sommes sont données pour solde de tout compte et que leur emploi fait l'objet d'un compte rendu annuel. Compte tenu de la date d'entrée en vigueur du dispositif, les premiers comptes rendus ont été établis au titre des années 1996 et 1997. Le compte rendu du FONGEFOR a été envoyé à l'administration fin 1998 ; on a commencé à l'exploiter pour s'assurer que les motifs de dépenses présentent une vraisemblance certaine et correspondent à une stricte réalité. Mais, là aussi, contrôler le FONGEFOR revient à contrôler les organisations professionnelles et syndicales, d'où une dimension politique et ...

 M. Jean-Jacques Jegou : Et vous ne le faites pas !

 Nous sommes là au coeur du problème : on est en train d'expliquer avec beaucoup de pudeur que l'on finance des organisations syndicales, patronales et professionnelles. Vous avez même poussé la conscience professionnelle jusqu'à citer des pourcentages qui n'apparaissent nulle part !

M. Jean Lambert : Ils sont tirés d'un décret.

 M. Jean-Jacques Jegou : Que personne n'a lu !

 La mission, qui émane de la commission des finances, peut-elle accepter un coût lié à la gestion paritaire ? Pouvez-vous me l'expliquer sinon à dire que l'on finance des organisations syndicales et professionnelles ?

 M. Jacques Barrot, rapporteur spécial : On ne peut avoir de démocratie sociale sans en payer le coût. Ce que nous voulons c'est la transparence.

 M. Jean-Jacques Jegou : J'en suis d'accord, mais disons-le !

 On parle bien du coût de la formation professionnelle. Le contrôle de légalité et de régularité financière se révèle insuffisant. On parlera de l'inexistence du contrôle qualitatif. A quoi aboutit l'effort faramineux de la Nation ? Nous aurons l'occasion d'y revenir. Nous ne sortirons pas d'ici si l'on ne reconnaît pas que nous finançons en fait les syndicats - du MEDEF à la CGT. Voyez, nous vous mettons à l'aise !

 Par le passé, on a reproché à mes rapports d'être un peu trop directs ; néanmoins, il semble qu'ils ne l'aient pas été suffisamment, puisque cela n'apparaît pas aujourd'hui. Nous savons que les crédits en question financent autre chose que la formation professionnelle. Je ne suis pas contre : comme le dit excellemment M. le Rapporteur spécial, peut-être la transparence et l'efficacité obligent-elles à reconnaître que la démocratie sociale a un coût, de même que la démocratie tout court et le financement des partis politiques. Tout le monde est d'accord, je crois, pour que vive la démocratie - nous représentons ici plusieurs partis politiques - et pour dire qu'un financement doit être supporté par le contribuable.

 M. Jean Lambert : J'ai le regret de m'inscrire en faux contre l'assertion selon laquelle le contrôle des fonds affectés au fonctionnement du paritarisme ferait défaut. La nature du contrôle est conforme à celle prévalant dans d'autres activités. Tout est question de degré : jusqu'où faut-il aller ?

 A titre d'exemple, on justifie la consommation des crédits par la formation de représentants de syndicats ou d'organisations professionnelles, membres des conseils d'administration des OPCA. On se limite à considérer le nombre de personnes formées et le coût de chaque formation ; on ne s'applique pas à vérifier si les formations ont réellement eu lieu. Certes, vous pouvez estimer un tel contrôle insuffisant.

 M. Jean-Jacques Jegou : Ne dites pas cela ! Je suis membre de la commission des finances depuis suffisamment longtemps pour affirmer qu'il n'y a pas de contrôle. Vous venez de dire vous-même à l'instant, mot pour mot, que l'on ne vérifiait pas si la formation avait eu lieu. C'est bien une absence de contrôle !

 M. Jean Lambert : Oui, par absence d'effectifs suffisants.

 M. Jean-Jacques Jegou : Monsieur Lambert, il y a bien absence de contrôle !

 M. Jean Lambert : Si l'on me demande de vérifier dans le détail, je vérifierai dans le détail.

 M. Jérôme Cahuzac : Je n'ai pas eu le sentiment que vous m'ayez totalement répondu lorsque je vous ai demandé si les rapports pédagogiques, qui doivent être fournis par l'organisme sous peine de retrait d'agrément, sont analysés. Si oui, pouvez-vous nous citer un exemple prouvant qu'une telle analyse a eu des conséquences, non seulement en matière de récupération, mais également en matière d'abondement via l'AGEFAL ?

 On nous a expliqué que l'AGEFAL mutualisée finançait un certain nombre d'actions, mais que la mission de son directeur ne consistait pas à procéder au contrôle sur lequel nous vous interrogeons.

 Pouvez-vous nous indiquer si, en tant que chef du groupe national de contrôle, vous indiquez à l'AGEFAL, au conseil d'administration duquel vous siégez, s'il est légitime de continuer à financer ou non tel organisme de formation sur la foi du rapport pédagogique qui doit vous être fourni ?

 M. Jean Lambert : Le rôle de l'AGEFAL ne consiste pas à payer des dépenses exposées par des organismes de formation. Elle finance les besoins des OPCA. Le contrôle plus ou moins poussé de la qualité des formations peut être assuré ; il est même souhaitable qu'il le soit, ce qui correspond du reste à une certaine réalité au niveau des normes « ISO » spécialisées. Lorsqu'il s'agit des dépenses directes des entreprises il leur appartient d'apprécier le rapport qualité-prix de la formation reçue.

 Quant à l'AGEFAL, elle a une mission de stricte régulation financière. Le commissaire du Gouvernement veille au respect des principes de régulation financière. Aucun élément qualitatif n'est pris en compte au niveau de l'AGEFAL. Il n'en demeure pas moins que, dans le domaine de l'alternance, le souci qualitatif n'est absent des préoccupations, ni des partenaires sociaux, ni de l'administration.

 Les bilans pédagogiques et financiers des organismes de formation ne se présentent qu'en termes quantitatifs - le nombre d'heures de formation, le coût des formations, la sanction de la formation - sans aucun élément qualitatif autre que la typologie des actions de formation dispensées.

 Dans le cadre de l'enquête qualitative sur l'alternance, menée par l'AGEFAL par agrégat des données fournies par chaque OPCA, on obtient des éléments, non seulement sur les taux de rupture des contrats, mais sur le taux d'insertion des jeunes à l'issue des formations. Ce type de préoccupations y figure. Bien évidemment, l'administration participe également à cette recherche qualitative, non en termes de contrôle et de sanctions directes, mais par les études qu'elle confie, notamment au CEREQ, sur la qualité des formations.

 Quant à la sanction directe d'un organisme de formation incompétent, elle est essentiellement assurée par le client. Les OPCA éditent de plus en plus des catalogues d'organismes susceptibles d'assurer les formations dans les meilleures conditions. On veille à ce que ces catalogues ne présentent pas un caractère anticoncurrentiel, autrement dit qu'ils ne contiennent pas uniquement des organismes de formation dont on s'apercevrait qu'ils s'inscrivent dans la stricte mouvance de la branche professionnelle de l'OPCA concernée. Il n'y a pas de sanction directe de mauvaise qualité, je le confirme.

 Mme Nicole Bricq : Les OPCA sont bien agréés.

 M. Jean Lambert : Oui.

 Mme Nicole Bricq : Existe-t-il des procédures de retrait d'agrément, où un cahier des charges - qui porte en lui-même une vision qualitative - pourrait entrer en ligne de compte ? Ou s'agit-il d'une déclaration purement administrative ?

 M. Jean Lambert : L'agrément est délivré en fonction de l'observation de plusieurs critères fixés par le législateur, complétés par voie réglementaire. L'administration s'assure ensuite du respect des critères.

 La procédure de retrait d'un agrément à un organisme collecteur est délicate à mettre en oeuvre, puisqu'elle touche aux relations liant l'État et les partenaires sociaux. Elle ne peut être engagée qu'à l'égard de pratiques réellement scandaleuses. Si l'on peut considérer que certains OPCA n'ont pas une assise financière suffisante ou qu'ils ont tendance à gonfler le montant de leurs engagements pour obtenir des fonds réservés auprès de l'AGEFAL, ces comportements ne sont pas strictement de nature à légitimer un retrait d'agrément et je crains qu'une procédure de retrait fondée sur de telles bases, à supposer qu'elle intervienne, soit censurée par le Conseil d'État.

 M. Jacques Barrot, rapporteur spécial : Nous sommes face à des prélèvements obligatoires, mais, en même temps, le monde de l'entreprise, disons le paritarisme, estime que ces fonds ne sont pas proprement assimilables à des fonds appartenant à l'État. L'observation de Nicole Bricq est tout à fait justifiée. Cela explique qu'un retrait d'agrément sera vécu par les partenaires sociaux comme une agression à l'égard d'un prélèvement, certes obligatoire. C'est une vraie question de fond.

 M. Philippe Auberger, co-président : C'est vrai et je crois qu'on peut la généraliser. Les chefs d'entreprise nous expliquent que les prélèvements obligatoires sont beaucoup trop élevés ; dans le même temps, pour la formation professionnelle, le 1 % logement et les CIL, des ressources nouvelles sont souhaitées : les présidents des chambres de commerce ne cessent de demander des augmentations de leurs cotisations de base. C'est une contradiction forte qu'il convient de soulever. On ne peut, d'un côté, regretter les prélèvements obligatoires jugés trop nombreux et, de l'autre, admettre que des financements restent quasiment exempts de contrôles, que règne à leur propos une sorte de consensus tacite pour ne pas examiner de trop près l'usage des fonds. Il y a là un problème. Je suis heureux qu'il ait été soulevé au sujet de la formation professionnelle, parce qu'il est réellement important dans le débat démocratique.

 M. Francis Delattre : Et qu'il représente 40 milliards !

 Le FONGEFOR centralise 0,75 % de la masse. Ce pourcentage est-il uniquement perçu sur les fonds d'alternance ou sur les fonds des congés individuels de formation, voire, le cas échéant, des plans de formation ? Combien cela représente-t-il au niveau national ?

 Est-on assuré que c'est pour solde de tout compte en ce qui concerne le fonctionnement du paritarisme dans le secteur de la formation professionnelle ?

 M. Jean Lambert : L'assiette englobe l'ensemble des cotisations : plan de formation, alternance, congé individuel de formation. Ne sont astreints à cette obligation que les OPCA dits « dans le champ ». Les OPCA dont les représentants ne sont pas partie à la signature des accords interprofessionnels sur la formation professionnelle n'y sont pas astreints : c'est le cas, à titre d'exemple, d'Uni Formation. Le total des versements faits par l'ensemble des OPCA au FONGEFOR est, de mémoire, de l'ordre de 200 millions de francs annuels.

 L'emploi des fonds donne lieu à un compte rendu qui fait l'objet de vérifications administratives, dont on peut considérer qu'elles sont insuffisamment poussées, mais qui sont réelles.

 Dans le cadre des investigations menées sur pièces ou sur place auprès des OPCA et en application du principe de solde de tous comptes, on s'assure que ce que l'on a chassé par la porte ne rentre pas par la fenêtre. Jusqu'à présent, nous ne disposons d'aucun indice démontrant le cumul de pratiques anciennes et des recettes officielles.

 M. Philippe Auberger, co-président : Autrement dit, les fonds sont bien normalement affectés à la formation des administrateurs des OPCA.

 M. Jean Lambert : La formation des administrateurs est un exemple d'emploi de ces fonds. Par ailleurs, les représentants à l'échelon national des organisations syndicales et d'employeurs sont amenés à exercer leurs responsabilités à l'égard du bon fonctionnement des organismes régionaux. Ils réalisent donc des missions d'audit, des investigations. Ce genre de débours est réputé correspondre à des coûts de fonctionnement du paritarisme. Il ne s'agit donc pas de financer des organisations, mais un certain type de dépenses de ces organisations.

 M. Philippe Auberger, co-président : Les administrateurs des OPCA sont-ils indemnisés lorsqu'ils assistent à des réunions de travail dans le cadre de leurs fonctions d'administrateurs ? Est-ce financé dans le fonds ?

 M. Jean Lambert : Non. Sont éventuellement financés les débours de transport. Les administrateurs ne reçoivent pas d'indemnisation, excepté si, salariés, ils ne sont pas payés par l'entreprise qui les emploie pendant le temps où ils assument leurs fonctions d'administrateur. Il est alors admis que l'OPCA prenne en charge la compensation salariale.

 M. Philippe Auberger, co-président : Les fonctions d'audit que s'arrogent un certain nombre d'organismes au niveau national ne sont pas organisées, puisque c'est vous qui, normalement, êtes chargé de procéder à l'audit des OPCA.

 M. Jean Lambert : Il s'agit du contrôle interne du paritarisme. (Rires.)

 M. Jacques Barrot, rapporteur spécial : M. Lambert, il convient de faire un peu d'historique, car le système, issu d'un accord interprofessionnel, est récent. En réalité, nous sommes un peu en chemin. Ce dispositif n'est certes pas satisfaisant, mais cela fut, pour les plus responsables, aussi bien du côté syndical que patronal, un premier geste. Je suis, pour ma part, convaincu qu'il ne suffira pas.

 M. Jean Lambert : L'accord date, en effet, de 1996. Antérieurement, il était difficile aussi bien juridiquement que politiquement de réprimer des dérives, dans la mesure où il n'existait pas de corps de règles précises. Il existe, aujourd'hui, le suivi administratif se développe. Bien sûr, il faut un suivi constant de l'activité, mais, comme le disait M. le Rapporteur spécial, ce n'est qu'une étape sur le chemin à parcourir.

 M. Jean-Jacques Jegou : Pourriez-vous nous livrer une définition du coût de fonctionnement du paritarisme ?

 L'an I du contrôle du paritarisme datant de 1996 - M. Barrot n'y est pas étranger - des sanctions ont-elles été prises depuis ?

 M. Jean Lambert : En matière de frais de fonctionnement de paritarisme, assis sur la réglementation de 1996, aucune sanction n'a été prise jusqu'à présent, car aucune dérive probante n'a été constatée.

 Les frais de fonctionnement de paritarisme sont une dépense comme une autre. Ce sont des éléments de coût objectifs. De simples affirmations ne constituent pas un élément de coût ; c'est pourquoi il convient de se fonder sur les factures. Quand une organisation syndicale indique qu'elle a organisé en région Aquitaine une réunion d'information et de sensibilisation de l'ensemble des administrateurs relevant de sa mouvance, les justificatifs à produire tiennent au coût de la location de la salle, aux frais de déplacement qui ont suivi la session, tous éléments qui doivent être objectifs.

 Fort naturellement, une première tendance consistait à vouloir faire admettre par l'administration que de simples affirmations de caractère général avaient valeur de compte rendu d'activités. A suivre certains, la mention « Participation aux frais de fonctionnement du paritarisme : 200.000 francs » aurait dû suffire, sous peine de porter atteinte aux libertés syndicales. L'administration n'a pas admis cette démarche et les comptes rendus produits sont détaillés ; en tout cas, ils n'ont rien de choquant. Nous opérons quelques vérifications par sondage, sans pour autant procéder à des contrôles exhaustifs.

 M. Jean-Jacques Jegou : Ces rapports pourraient-ils être mis à la disposition de la mission ?

 M. Philippe Auberger, co-président : Cela demande une analyse juridique précise : il convient de connaître la nature de ces rapports. En outre, le rapporteur spécial, dans le cadre de ses pouvoirs, peut-il avoir accès à ces documents ? Ce n'est pas certain, car la qualification de l'ensemble des fonds de la formation professionnelle est totalement ambiguë. A ma connaissance, ils n'ont pas la qualification de fonds publics ; s'ils résultent d'un prélèvement obligatoire, ils ne présentent pas le caractère d'un impôt. Les entreprises peuvent s'en exonérer dès lors qu'elles justifient des dépenses correspondantes.

 M. Jean-Jacques Jegou : C'est pourtant bien le cas des cotisations à la sécurité sociale, qui sont privées, personnelles ; ce ne sont pas des deniers publics.

 M. Philippe Auberger, co-président : A chaque ressource non fiscale peuvent s'appliquer une jurisprudence et des textes différents.

A ma connaissance, les fonds de la formation professionnelle n'ont pas la qualification de fonds publics. Dès lors, les comptes rendus d'utilisation de ces fonds ne sont pas accessibles de plein droit au rapporteur spécial au même titre que les éléments correspondant à des ressources ou à des dépenses publiques. Voilà ma première analyse, mais il appartient à M. Barrot de nous le dire.

 M. Jacques Barrot, rapporteur spécial : Il existe bel et bien un problème puisque la Cour des comptes - je parle en présence du Président de la cinquième chambre - probablement pourra, par habilitation législative, contrôler ces fonds qu'elle n'était pas autorisée auparavant à contrôler.

 Moi-même, comme Jean-Jacques Jegou, et notre prédécesseur M. Berson, j'ai pu contrôler les fonds.

 S'agissant du FONGEFOR, sans doute convient-il d'apporter une petite nuance, car cet organisme résulte d'un accord interprofessionnel et peut être considéré par les partenaires sociaux comme approvisionné par une sorte d'accord sans base législative. Cela dit, si votre rapporteur spécial en faisait la demande au nom de la commission des finances - et il la formulera - je ne peux croire qu'on ne lui montre pas les comptes. Cela dit, je pense que Philippe Auberger a raison en indiquant qu'il convient de se pencher sur l'aspect juridique de la question.

 M. Jean Lambert : Au plan juridique, il en va un peu comme pour la qualification des fonds de la formation professionnelle eux-mêmes. Ces perceptions sont à la fois assises sur un accord interprofessionnel et sur un instrument réglementaire. D'où un caractère un peu particulier. Quelle doit être la conclusion définitive ? Je l'ignore. Il est à souligner que tous les OPCA ne sont pas astreints à ce versement, seulement les signataires des accords interprofessionnels. Or, l'ensemble de ces organismes hors champ sont gérés paritairement par des représentants tant des organisations syndicales que des organisations d'employeurs. Le débat juridique est assez complexe, je ne suis pas compétent pour le trancher. Je sais que, sur les fonds mêmes de la formation professionnelle, ce débat a pris une certaine ampleur à l'échelle de l'Union européenne, notamment pour l'appréciation de l'obligation de cofinancement posée par le Fonds social européen. Les autorités européennes ont jusqu'à présent admis, sans enthousiasme, de considérer les fonds perçus par les OPCA pouvaient être considérés comme d'intérêt collectif et constituer un élément du cofinancement par l'autorité publique française. Mais ce n'est pas une position très affirmée et tous azimuts, puisqu'une telle notion n'a été développée que dans le seul cadre du financement FSE.

 M. Philippe Auberger, co-président : Pour revenir d'un mot sur le FONGEFOR, on voit bien que par ce biais l'on peut financer des organisations syndicales représentatives, dans la mesure où les frais exposés ne correspondent pas rigoureusement aux factures présentées. Pouvez-vous néanmoins donner l'assurance qu'aucun permanent syndical n'est rémunéré par ses fonds ?

 M. Jean Lambert : Je ne peux bien évidemment pas vous en donner l'assurance, mais les efforts des services de contrôle portent sur ce point, non pas essentiellement, mais cela fait partie de leurs objectifs. Sans que l'on puisse nous imputer une obligation de résultat, tous nos moyens sont mobilisés pour éliminer totalement de telles pratiques.

 M. Jean-Jacques Jegou : Je souhaiterais que vous nous parliez de l'AFPA.

 M. Jean Lambert : Je ne suis pas un bon interlocuteur, puisque le GNC n'est pas chargé de la tutelle de l'AFPA et n'intervient que s'il reçoit des instructions lui demandant d'effectuer des vérifications auprès de l'AFPA.

 Les services de contrôle n'interviennent qu'indirectement, dirais-je, dans les activités de l'AFPA, par le biais des responsabilités qu'ils assument dans le contrôle du bon usage des fonds communautaires. Lorsqu'un cofinancement est assuré par l'État, par l'AFPA et par un financement communautaire, nous vérifions la bonne exécution des conventions et nous pouvons ainsi contrôler indirectement le respect par l'AFPA de la législation. Certes, l'AFPA est une association de formation et entre, juridiquement, dans le champ de compétences du groupe national, mais il est évident que, compte tenu des liens l'unissant au ministère, un contrôle de l'AFPA ne peut être décidé d'office. C'est là un état de fait qui ne me semble que très normal.

 M. Philippe Auberger, co-président : Avez-vous une délégation explicite de la commission pour assurer le contrôle des fonds européens ?

 M. Jean Lambert : Non. Le rôle des services régionaux de contrôle a été défini par la Commission interministérielle de contrôle des fonds communautaires. Dans la mesure où une partie non négligeable des fonds FSE concernait des programmes de formation, il a été considéré par l'ensemble des ministres intéressés que les services régionaux de contrôle de la formation professionnelle, pouvaient intervenir sur la base d'un règlement communautaire. Il n'y a pas de délégations ; ce sont des contrôles nationaux en exécution des engagements que la France a pris à l'égard de l'Union européenne. Ces contrôles sont assumés aussi bien par les services régionaux de contrôle que par d'autres institutions : l'IGAS, les services du Trésor, la Cour des comptes... (je laisserai M. Marmot se prononcer sur le sujet). Il se trouve que les services régionaux de contrôle ont pris en charge l'aspect communautaire de l'utilisation des fonds, ce qui pose du reste des problèmes d'arbitrage entre les contrôles des fonds strictement nationaux et ceux des fonds communautaires, car la charge de cette mission nouvelle n'a pas été compensée par des effectifs supplémentaires. Il en de même de nos responsabilités de contrôle sur la collecte de la taxe d'apprentissage, qui ont suscité un fort investissement des services de contrôle, non compensés par un appoint en personnel. Les arbitrages entre fonds de la formation professionnelle, fonds communautaires, fonds de l'apprentissage, posent des questions d'ajustement assez délicates pour la gestion des effectifs et des moyens.

 M. Jérôme Cahuzac : On constate que les stagiaires en dispositif public ont été financés à 24 % par l'AFPA en 1986 et 1994, à 14 % en 1994, soit une chute de dix points, et que les frais de mission ont doublé dans la même période.

 M. Jacques Barrot, rapporteur spécial : Nous entendrons le directeur général de l'AFPA la semaine prochaine.

 M. Jean-Jacques Jegou : Puisque nous allons recevoir le directeur général de l'AFPA, qui, pour le compte de l'État, pourrait nous parler du contrôle de l'AFPA ?

 M. Jean Lambert : La délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle. Demandez à Mme Rose-Marie Vanlerberghe qui assure la tutelle de l'AFPA de venir, ou de déléguer un collaborateur responsable.

 M. Philippe Auberger, co-président : Je vous remercie, monsieur Lambert.

  

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